Le vapotage responsable d'images pathologiques pulmonaires ?
JEUDI 31 OCTOBRE 2019
La Revue Radiology : Cardiothoracic Imaging a publié une étude dédiée lésions pulmonaires résultant de l'utilisation de cigarettes électroniques. Les auteurs souhaitent ainsi sensibiliser les radiologues et autres professionnels de santé sur la manière d’identifier les lésions pulmonaires associées au vapotage (EVALI).

Les Drs Suhny Abbara, rédacteur en chef de Radiology: Cardiothoracic Imaging et Fernando Uliana Kay, du Department of Radiology at UT Southwestern Medical Center in Dallas (Texas) ont publié une étude dans cette revue sur les effets du vapotage sur les poumons. "Nous encourageons la communauté de l'imagerie médicale à produire des preuves scientifiques et des connaissances médicales afin de faire progresser notre compréhension collective des effets de l'utilisation de la cigarette électronique sur les poumons et d'autres systèmes organiques," a-t-il déclaré en préambule.
Plus de 1 600 cas de lésions pulmonaires liées au vapotage dans 49 états américains
Les cigarettes électroniques agissent en libérant de la nicotine, des arômes et d'autres additifs sous forme d'aérosol. Selon les Centers for Desease Control and prevention (CDC) américain, plus de 9 millions d'adultes utilisent des cigarettes électroniques aux États-Unis et le vapotage est devenu particulièrement populaire parmi les adolescents. L'enquête nationale sur le tabagisme chez les jeunes a révélé qu'en 2018, plus de 3,6 millions d'élèves de collège et de lycée utilisaient des cigarettes électroniques.
Les CDC, la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis et les services de santé des États ont ouvert une enquête sur la récente flambée de lésions pulmonaires associées à l'utilisation de cigarettes électroniques. Au 22 octobre 2019, 1 604 cas avaient été signalés dans 49 États américains. Trente-quatre cas ont entraîné la mort de patients. Cependant, ces chiffres sous-estiment probablement l'incidence et la prévalence réelles de la maladie en raison du manque de reconnaissance et d’alerte des lésions pulmonaires associées au vapotage.
Un cas clinique caractéristique
Dans cette étude dédiée, les Drs. Abbara et Kay résument des cas récents de la littérature et illustrent certaines des images radiographiques et scanographiques caractéristiques d'une lésion pulmonaire, avec notamment un cas clinique d'un patient de 24 ans ayant des antécédents médicaux d'asthme et présentant un essoufflement, une toux productive, des douleurs thoraciques et de la fièvre pendant une semaine. Le patient a signalé une utilisation quotidienne courante de cigarettes électroniques (avec du tabac) et de marijuana, sans modification substantielle des habitudes de vapotage récentes. Il avait un nombre élevé de globules blancs et de plaquettes. Les radiographies pulmonaires montraient des opacités rétiniennes ou réticulaires, dans les deux poumons (voir l'image ci-dessus).
Les résultats de la TDM objectivaient des opacités en forme de verre dépoli et une consolidation pulmonaire étendue en sous pleural. Des échantillons histologiques obtenus du lobe inférieur droit par biopsie suggéraient une pneumonie lipoïde. Le patient a reçu des stéroïdes avec un diagnostic supposé de lésion pulmonaire associée à l'utilisation de la cigarette électronique. "Le diagnostic de lésion pulmonaire du au vapotage devrait être une possibilité différentielle chez les patients présentant des opacités pulmonaires bilatérales sur des radiographies ou des opacités sur verre dépoli sur des images de scanner thoracique", poursuit le Dr. Abbara.
Vers une définition épidémiologique des pathologies pulmonaires dues au vapotage
La définition épidémiologique des lésions pulmonaires associées au vapotage à des fins de surveillance comprend, dès lors, les critères suivants: utilisation de la cigarette électronique ou de vaporisateurs (huiles de butane) dans les 90 jours précédant l'apparition des symptômes, présence d'opacités pulmonaires au thorax radiographies ou opacités du verre dépoli sur les images de scanner thoracique, absence d'infection pulmonaire lors du bilan initial, et absence de preuve d'un diagnostic plausible alternatif.
Les auteurs de l’étude soulignent que la recherche sur les lésions pulmonaires associées au vapotage devrait être abordée comme un travail collégial par des membres de nombreuses spécialités, notamment des pathologistes, des épidémiologistes, des pneumologues et des urgentistes, mais souligne le rôle crucial des radiologues.
Bruno Benque avec RSNA