Magnétovigilance : la première base française de recueil d'incidents est en place
JEUDI 18 MAI 2023
À mesure que les champs électromagnétiques créés dans l’environnement IRM montent en puissance, la sécurité des patients et des travailleurs au plus près de ces machines devient plus aléatoire. Dès lors, les conseillers en prévention des risques liés aux champs électromagnétiques se doivent d’être très vigilants afin d’éviter tout incident. C’est le cas de Julien Boinet, MERM pour le Centre Normedis Radiologie, groupement de radiologues normands indépendants à Bayeux (14), que nous avons rencontré. Il nous explique, dans un entretien, ses actions de formation des professionnels ainsi que l’initiative qu’il a prise de recueillir les incidents qui surviennent en France.

Thema Radiologie : Dans votre pratique quotidienne de l’IRM, quel a été l’élément déclencheur qui vous a amené à vous pencher plus assidument à la magnétovigilance ?
Julien Boinet : Lors de mes lectures, j’ai vu l’image de l’avant-bras d’une petite fille de 5 semaines brûlé par le champ magnétique car l’opérateur ne lui avait pas enlevé son oxymètre de pouls. Il a fallu amputer cette petite fille. J’avais un enfant du même âge à cette époque et je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose pour améliorer la prévention dans ce cadre, qu’on ne pouvait pas rendre un enfant amputé d’un bras pour une simple IRM. Je me suis donc lancé dans la formation des professionnels afin de mieux diffuser les consignes de sécurité qui entourent la pratique de cette discipline.
T.R. : Quel a été votre démarche pour explorer le sujet et maîtriser les critères de risque dans ce domaine ?
J.B. : Au départ, j’ai commencé à explorer ce qui se faisait en France et j’ai remarqué que c’était très limité. Puis, le décret 2016-1074 sur la magnétovigilance est sorti, ce qui m’a donné une base de travail, après quoi j’ai fait de la recherche d’articles scientifiques afin de maîtriser le sujet. J’échange énormément avec Tobias GILK, qui est Magnetic Resonance Safety Officer (MRSO) aux Etats-Unis et qui est l’un des pionniers américains de la sécurité en IRM. J’ai ensuite expliqué ma démarche à l’occasion des 35èmes et 36èmes Journées Francophones d’IRM de l’AFPPE où j’ai reçu les Prix du public de la meilleure communication.
T.R. : Quelle est votre action aujourd’hui pour améliorer globalement la sécurité en IRM ?
J.B. : j’ai mis en place une structure de formation (SafetiRM – La sécurité sans condition – safetirm@yahoo.com) et je sensibilise les centres d’imagerie médicale à la gestion des risques, trop méconnus pour certains. Les retours des centres dépassent mes espérances. Les professionnels m’informent, lorsque je les revois, qu’ils ont changé leurs pratiques significativement depuis qu’ils ont été formés. J’en suis très heureux. Parallèlement à la formation, j’enquête sur les incidents qui se produisent dans les centres d’IRM en France.
T.R. : Sous quelle forme cette enquête se met-elle en place et quelles sont les informations que vous recherchez ?
J.B. : J’ai créé une plateforme web accessible par un QRCode (voir ci-contre) et par laquelle les professionnels de l’IRM sont appelés à déclarer les incidents qui pourraient survenir dans leur centre. Le but serait que ce QRCode soit affiché au plus près de chaque console. Il s’agit d’un recueil anonyme, ce qui devrait encourager les réticents. Le but est de recenser au jour le jour les incidents et de créer une base statistique afin d’évaluer les « mauvaises habitudes » susceptibles de provoquer ces incidents, puis de proposer des solutions correctives. Ces incidents peuvent être d’origines différentes. On connaît bien l’effet missile, lorsqu’un matériel ferromagnétique est attiré contre le statif, ou les brûlures. Mais d’autres incidents, comme la perte auditive, le dysfonctionnement d’un dispositif médical implanté ou la réaction au produit de contraste gadoliné, sans compter le quench (volontaire ou spontané), peuvent survenir si l’on n’y prend garde. Sept accidents m’ont déjà été recensés depuis l’annonce que j’ai faite aux Journées Francophones d’IRM de l’AFPPE le 13 mai 2023 !
T.R. : Vous reprenez en quelque sorte le processus instauré par l’Autorité de Sureté Nucléaire (ASN) pour prévenir les accidents de radioptrotection...
J.B. : Effectivement, la démarche est similaire. J’ajoute que le recueil de données ne se limite pas à la France et s’adresse à toute la francophonie. Et comme la technologie évolue rapidement, avec la montée en puissance des modalités à 3T, l’enquête a pour but d’identifier les incidents par type de machine 1,5T, 3T et bientôt 7T, et pourquoi pas 11,7T et 14T même s’il s’agit de centres d’imagerie de niches dédiés à la recherche pour le moment. J’en appelle donc, en particulier, aux conseillers à la prévention des risques liés aux champs électromagnétiques des centres d’imagerie instaurés par le décret pour répondre à cette enquête. Elle me permettra d’établir des études comme celles mises en place avec la base MAUDE aux Etats-Unis.
Enfin, mon objectif final est de faire bouger les lignes des instances afin d’établir la création d’un Diplôme d’électromagnétoprotection et de gestion des risques en IRM, pour obtenir la même crédibilité qu’un PCR. L’IRM est une technique inoffensive MAIS pas sans risques. De plus le décret 2016-1074 ne concerne que la sécurité des travailleurs. Il existe un vide quant à la sécurité des patients. Il faut absolument que la législation évolue dans ce sens.
Propos recueillis par Bruno Benque