Comment la TDM peut-elle différentier l'embolie pulmonaire aigüe et de l'hypertension thrombo-embolique chronique ?
MARDI 04 JUIN 2024
Les différentiations cliniques de l’embolie pulmonaire aigüe et chronique sont difficiles à obtenir. Une étude allemande publiée dans la Revue European Radiology se propose de distinguer quantitativement la perfusion pulmonaire dans les deux variantes de la pathologie grâce à la tomodensitométrie à double couche et énergie pour évaluer la perfusion / ventilation du poumon.

L'embolie pulmonaire aiguë (EP) est l'un des principaux diagnostics différentiels chez les patients présentant des douleurs thoraciques et/ou une dyspnée, se classant parmi les causes les plus courantes de décès par maladie cardiovasculaire. L'hypertension pulmonaire thromboembolique chronique (HPTEC), quant à elle, est une séquelle rare mais potentiellement mortelle d'EP aiguë antérieure avec recanalisation incomplète ou embolie pulmonaire sub-clinique récurrente.
Les différentiations cliniques de l’embolie pulmonaire aigüe et chronique
Cliniquement, l'HPTEC est définie par une augmentation de 20 mmHg de la pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) au repos, une diminution de 15 mmHg de la pression artérielle pulmonaire en coin, ainsi qu’une inadéquation à la scintigraphie de la ventilation/perfusion pulmonaire, voire un diagnostic spécifique de thromboembolie chronique à l'angiographie après 3 mois d'anticoagulation thérapeutique.
Les caractéristiques vasculaires indirectes de l’HPTEC comprennent la dilatation de l'artère pulmonaire moyenne (APM) ou l'élargissement des vaisseaux collatéraux bronchiques. Des caractéristiques cardiaques indirectes, telles qu'une hypertrophie ventriculaire droite, et des répercussions parenchymateuses, telles qu'une perfusion en mosaïque ou des bandes parenchymateuses, sont également évocatrices d'une HPTEC. Cependant, ces signes radiologiques sont, généralement, subtils, et donc souvent négligées au départ, ce qui entraîne un retard considérable dans le diagnostic.
La tomodensitométrie double énergie pour évaluer la perfusion / ventilation du poumon
En acquérant deux ensembles de données spectralement distincts, la tomodensitométrie double énergie (TDMDE) permet de cartographier l'absorption pulmonaire de l'iode, qui est considérée comme un indicateur de substitution pour la perfusion pulmonaire. De manière caractéristique, les anomalies de perfusion pulmonaire dans l'HPTEC sont inégales ou multisegmentaires, nettement définies, en forme de coin et hypoatténuantes. Cette dernière est également décrite pour l’EP aiguë. De plus, les cartes de superposition de densité d'iode (IDO) générées améliorent le diagnostic des EP aiguës et des HPTEC.
Dans la HPTEC, la perfusion pulmonaire est maintenue par la formation d'anastomoses systémiques-pulmonaires et/ou par la dilatation des vasa privata du poumon, ce que la TDMDE permet de quantifier en deux phases. Mais la littérature scientifique ne permet pas de tirer des conclusions diagnostiques précises de leurs résultats. De plus, les approches TDMDE en deux phases présentent la limitation inhérente à l’exposition aux rayonnements supplémentaires.
Une étude allemande pour distinguer quantitativement la perfusion pulmonaire dans les deux variantes de la pathologie
C’est la raison pour laquelle des chercheurs allemands ont analysé, dans une étude publiée dans la Revue European Radiology, le potentiel de la dlTDMDE (monophasé, double couche, double énergie) pour détecter et quantifier de manière semi-automatique les anomalies de perfusion pulmonaire dans l’HTP. Ils ont cherché à évaluer quantitativement la perfusion pulmonaire dérivée de la dlTDMDE dans l'EP aiguë et la HPTEC et d’observer sa capacité diagnostique à détecter et différencier les stades aigus et chroniques de la thrombo-embolie pulmonaire.
Cette étude rétrospective a inclus 131 patients (57 patients atteints d'EP aiguë, 52 HPTEC, 22 témoins), ayant fait l’objet d’un angioscanner pulmonaire par dlTDMDE. Les zones normales et mal perfusées du parenchyme pulmonaire ont été profilées de manière semi-automatique à l'aide de cartes de superposition de densité d'iode (IDO). Dans l'EP aiguë, les zones pulmonaires perfusées normales présentaient une absorption moyenne et maximale d'iode normalisée à l’APM plus élevée que dans l'HPTEC.
Les détecteurs à double couche et double énergie pour caractériser avec précision la cartographie de perfusion
D’autre part, les patients atteints d'EP aiguë présentaient une perfusion moyenne réduite par rapport aux patients HPTEC et aux témoins. La dlTDMDE a permis une différenciation entre l'EP aiguë et l'HPTEC avec une précision modérée (ASC : 0,72, sensibilité 74 %, spécificité 64 %), résultant en une VPP et une VPN pour l'HPTEC de 64 % et 70 %.
Les chercheurs en ont conclu que la dlTDMDE permet la quantification et la caractérisation des schémas de perfusion pulmonaire dans les PE aiguës et les HPTEC. Bien que ceux-ci manquent de précision lorsqu’ils sont utilisés comme critères autonomes, lorsqu’ils sont combinés avec des paramètres morphologiques de TDM, ils peuvent potentiellement améliorer la différenciation entre les deux maladies.
Bruno Benque avec European Radiology