L'IRM identifie des changements de volumes cérébraux chez les astronautes
MARDI 14 AVRIL 2020
Les périodes prolongées dans l'espace sont connues depuis longtemps pour causer des problèmes de vision chez les astronautes. Une nouvelle étude publiée dans la Revue Radiology suggère que l'impact des voyages spatiaux de longue durée est plus étendu, provoquant potentiellement des changements de volume cérébral et une déformation de l’hypophyse.

Plus de la moitié des membres d'équipage de la Station spatiale internationale (ISS) ont signalé, à leur retour de mission, des changements dans leur vision suite à une exposition de longue durée à la microgravité de l'espace. Les examens effectués peu après leur atterrissage ont révélé un gonflement du nerf optique, une hémorragie rétinienne et d'autres changements structurels oculaires.
Les répercussions de l’absence de champ gravitationnel sur la pression cérébrale
Les scientifiques ont émis l'hypothèse que l'exposition chronique à une pression intracrânienne élevée pendant le vol spatial est un facteur contribuant à ces changements. Sur Terre, le champ gravitationnel crée un gradient hydrostatique, une pression de fluide qui augmente progressivement de la tête aux pieds en position debout ou assise. Ce gradient de pression n'est pas présent dans l'espace.
"Lorsque vous êtes en microgravité, des fluides tels que le sang veineux ne s'accumulent plus vers vos membres inférieurs mais se redistribuent vers la tête, a déclaré l'auteur principal d’une étude parue dans la Revue Radiology, le Dr Larry A. Kramer, du University of Texas Health Science Center à Houston. Ce mouvement de fluide vers votre tête peut être l'un des mécanismes à l'origine des changements que nous observons dans l'œil et le compartiment intracrânien."
L’IRM objective une augmentation du volume cérébral et du LCR
Pour en savoir plus, le Dr. Kramer et ses collègues ont effectué une IRM cérébrale sur 11 astronautes, dont 10 hommes et une femme, avant leur mission sur l'ISS. Les chercheurs ont renouvelé l’exploration IRM un jour après le retour des astronautes, puis à plusieurs intervalles au cours de l'année suivante. Les résultats de l'IRM ont montré que l'exposition de longue durée à la microgravité provoquait des expansions dans le volume cérébral et celui du liquide céphalorachidien (LCR) des astronautes, une situation pouvant perdurer jusqu’à un an après le vol, ce qui suggère une altération permanente.
"Ce qui est nouveau dans cette étude c'est l’augmentation significative du volume dans la matière blanche du cerveau au retour de mission, poursuit-il. L'expansion de la substance blanche est en fait responsable de la plus forte augmentation des volumes combinés de cerveau et de LCR après le vol."
L’hypophyse de certains astronautes déformée
L'IRM a également montré des altérations de l'hypophyse. La plupart des astronautes avaient des preuves IRM de déformation de cette glande, ce qui suggère une pression intracrânienne élevée pendant le vol spatial. "Nous avons constaté que l’hypophyse perd de la hauteur et est plus petite après le vol qu'elle ne l'était avant, précise le Dr Kramer. En outre, le dôme de l'hypophyse est principalement convexe chez les astronautes sans l’influence de la microgravité, mais a montré des signes d'aplatissement ou de concavité après le vol. Ce type de déformation est compatible avec une exposition à des pressions intracrâniennes élevées. »
Les chercheurs ont également observé une augmentation du volume après le vol, en moyenne, dans les ventricules latéraux des astronautes. Ces résultats ne sont cependant pas considérés comme anormaux car ils sont similaires à ceux qui apparaissent chez les personnes qui ont passé de longues périodes de repos au lit avec la tête légèrement inclinée vers le bas.
Une ouverture sur de nouvelles recherches sur les traitements de l’hydrocéphalie
D’autre part, la vitesse du flux de LCR apparaît comme augmentée à travers l'aqueduc cérébral, ce qui peut être observé dans l'hydrocéphalie à pression normale, qui peut engendrer des difficultés à marcher, des problèmes de contrôle de la vessie ou de la démence. À ce jour, ces symptômes n'ont pas été signalés chez les astronautes après un voyage dans l'espace.
Les chercheurs étudient désormais des moyens de contrer les effets de la microgravité. Une option envisagée est la création de gravité artificielle à l'aide d'une grande centrifugeuse pouvant faire tourner les gens en position assise ou couchée. Ils étudient également l'utilisation d'une pression négative sur les membres inférieurs comme moyen de contrer le déplacement de fluide vers la tête dû à la microgravité.
Le Dr. Kramer a déclaré que la recherche pourrait également avoir des applications pour d’autres catégories de personnes. "Si nous pouvons mieux comprendre les mécanismes qui provoquent l'élargissement des ventricules chez les astronautes nous pourrions développer des traitements pour les patients souffrant d'hydrocéphalie à pression normale", conclut-il.
Bruno Benque avec RSNA