La Médecine nucléaire est-elle marginalisée par l'European Thyroid Association ?
MARDI 16 JANVIER 2024
Dans ses guidelines pour la prise en charge du nodule thyroïdien, l’European Thyroid Association oublie certains apports de la médecine nucléaire. Pour l’European Association of Nuclear Medicine, il s’agit d’une marginalisation de la spécialité.

L’European Thyroide Association (ETA) a récemment publié des guidelines de pratique clinique pour la prise en charge des nodules thyroïdiens qui minimisent l’importance, voire qui mettent sous silence des apports importants de la médecine nucléaire. L’European Association of Nuclear Medicine (EANM), malgré des échanges réguliers avec l’ETA au cours des dernières années, s’étonne, dans un article publié dans l’European Journal of Nuclear Medicine & Molecular Imaging (JNMMI), de voir une partie de l’arsenal scientifique ainsi déclassé.
L’European Thyroïd Association n’imlplique pas l’EuropeanAssociation of Nuclear Medicine dans l’élaboration de ses guidelines
Cet article remarque tout d’abord que, même si ces lignes directrices ont été rédigées par une équipe multidisciplinaire, certains médecins nucléaires membres de l’ETA et de l’Association autrichienne de la thyroïde ont commenté la version préliminaire des lignes directrices, mais aucun d’entre eux n’a été inclus dans le panel des auteurs d’une part, et que les commentaires des médecins nucléaires ont été partiellement intégrés dans le texte des lignes directrices mais pas dans les recommandations. L'EANM estime donc qu’elle aurait dû être impliquée dans le processus et son adhésion aux lignes directrices aurait dû être demandée.
Des guidelines de prise en charge des nodules thyroïdiens basées sur l’EU-TIRADS élaboré par l’ETA
Les guidelines sont généralement basées sur le TIRADS (Thyroid Imaging and Reporting Data System) comme outil essentiel pour la stratification du risque de nodules thyroïdiens, soulignant ainsi son importance pour le domaine. Mais les membres de l’ETA, qui ont développé l’EU-TIRADS, le prennent comme système préféré, alors qu’il n’a pas encore démontré sa supériorité par rapport aux autres TIRADS. Pire, l’article du JNMMI site des études qui le qualifient d’inférieur, notamment concernant le système de reporting et de données d'imagerie thyroïdienne ou sa capacité pour différencier les nodules bénins des nodules malins et pour épargner aux patients des biopsies inutiles.
Les critiques concernent également les recommandations relatives aux scintigraphies thyroïdiennes effectuées si la TSH est inférieure à la normale. Ce n'est que dans le texte de référence qu'il est mentionné que des nodules hyperfonctionnels peuvent être observés avec un taux de TSH normal dans les pays présentant une carence en iode antérieure ou actuelle. De même, concernant l’utilisation du [99mTc]Tc-MIBI et du [18F]FDG, des ajouts au texte des lignes directrices ont été effectués, mais là encore, aucune recommandation spécifique n’a été formulée.
Une attitude qui illustre une marginalisation de la médecine nucléaire
Quant aux pratiques thérapeutiques sur les nodules thyroïdiens, la thérapie à l'iode radioactif est mentionnée, dans le document de l’ETA, comme modalité de traitement facultative, selon une description relativement grossière et sans faire état des taux de réussite. D’autre part, ces guidelines ne mentionnent que brièvement le traitement médical du goitre et recommande de ne pas utiliser l'iode dans des régions où l'approvisionnement en iode est insuffisant.
En conclusion, les auteurs regrettent que ces directives pratiques n’aient été visées par aucun médecin nucléaire. Ils y voient une indéniable marginalisation de la médecine nucléaire et, surtout, le surprenant déclassement de l’iode radioactif au rang d’alternative aux interventions mini-invasives, malgré plus de 80 ans d’application réussie. Ils qualifient ce document de l’ETA comme déséquilibré et biaisé qui n’est pas suffisamment étayé par des preuves dans certaines sections.
Bruno Benque avec EANM