Un consensus international aboutit à l'I-TIRADS pour la classification des nodules thyroïdiens
MERCREDI 08 NOVEMBRE 2023
Les experts scientifiques internationaux du nodule thyroïdien se sont réunis afin d’homogénéiser les systèmes de classification de ses répercussions sur l’image échographique. Il est ressorti de ce travail colossal un système I-TIRADS, décrit dans un article publié dans la Revue Radiology, qui synthétise les différents modèles TI-RADS initialement utilisés.

Parmi les différentes technologies médicales utilisées pour explorer la thyroïde, comme la tomodensitométrie, de l'IRM ou le PETScan, l'échographie est la méthode la plus sensible pour la détection des nodules même lorsqu’elle est réalisée pour des indications non spécifiques.
Il existe presque autant de systèmes de classification des nodules thyroïdiens que de sociétés savantes dans ce domaine
La plupart des nodules sont bénins, en particulier lorsqu'ils sont découverts fortuitement chez des patients ne présentant aucun facteur de risque de cancer de la thyroïde et les petites tumeurs malignes ont souvent une évolution indolente et leur détection peut quelquefois s’apparenter à un surdiagnostic. Ces facteurs ont incité au développement de systèmes de stratification du risque (RSS) pour les nodules thyroïdiens, qui utilisent les caractéristiques échographiques (descripteurs) pour estimer la probabilité de malignité d'un nodule.
Mais chaque société savante a établi son RSS si bien que pas moins de 20 RSS sont actuellement utilisés, beaucoup intégrant l'acronyme TI-RADS (Thyroid Imaging Reporting and Data System), calqué sur le modèle BI-RADS de l'American College of Radiology (Breast Imaging Reporting and Data System). Au lieu d’harmoniser les pratiques, cette situation aboutit à un risque de cancer et des recommandations de prise en charge d'un nodule différents, souvent, selon le système appliqué. De plus, la traduction des résultats d'un RSS à un autre prend beaucoup de temps, rendant la maintenance et la révision périodique des RSS et les méta-analyses d'études individuelles entravées par la multiplicité des RSS.
Un projet de longue haleine pour tenter d’homogénéiser les pratiques et les recommandations
Afin de résoudre l’incertitude provoquée par des recommandations RSS divergentes, les auteurs principaux de plusieurs RSS se sont réunis fin 2017 pour évaluer leur intérêt à coopérer pour développer un RSS unifié, à commencer par un lexique des descripteurs de signes échographiques. Cela a conduit à la création d'un comité directeur et d'un plan de projet qui a fait l’objet d’un article scientifique publié dans la Revue Radiology.
Le cadre initial du projet a été conçu en mai 2018, puis affiné, et un comité directeur multidisciplinaire a été convoqué pour représenter huit sociétés professionnelles qui avaient développé un RSS, à savoir l'American Association of Clinical Endocrinology (AACE), l'American College of Endocrinology (ACE), l'American COllege of Radiology (ACR), l'Associazione Medici Endocrinologi (AME italienne), l'American Thyroid Association (ATA), l'Association européenne de la thyroïde (ETA), la Société coréenne de radiologie thyroïdienne et l'Association coréenne de la thyroïde.
Au fil des abandons personnels pour ce projet, 19 participants au projet, qui comprennent des endocrinologues, des radiologues et des chirurgiens issus de centres universitaires et privés, constituent collectivement le groupe de travail international sur l'échographie des nodules thyroïdiens. Le RSS développé a été nommé provisoirement International Thyroid Imaging Reporting and Data System (I-TIRADS).
Création d’un lexique et évaluation collégiale des descripteurs de nodules thyroïdiens à l’échographie
Ce projet a été scindé en une première phase de création d’un lexique de descripteurs américains des nodules thyroïdiens regroupés en six catégories, à savoir composition, échogénicité, forme, marge, extension extra thyroïdienne (ETE) et foyers/calcifications échogènes. Une septième catégorie a été attribuée aux ganglions lymphatiques, et d’une seconde phase d’utilisation de ces caractéristiques pour déterminer la probabilité de cancer pour un nodule et parvenir à des recommandations de prise en charge.
Parallèlement, l’examen de la littérature pour parvenir à des définitions provisoires des caractéristiques a été divisée en quatre sous-groupes : (a) composition et échogénicité, (b) foyers/calcifications échogènes, (c) forme et marge, et (d) ETE et ganglions lymphatiques.
Les résultats du vote ont abouti aux définitions des sept catégories et leurs descripteurs respectifs dans le lexique I-TIRADS pour les nodules thyroïdiens, ainsi que le risque estimé de malignité pour chaque descripteur, le cas échéant. La composition est définie comme la proportion de composants solides et fluides dans un nodule. La composition solide est associée, par exemple, à la malignité des nodules thyroïdiens, avec une sensibilité rapportée de 72,7% à 87,0% et une spécificité de 53,2% à 56,0%. Étant donné que l'estimation de la proportion du composant liquide dans les nodules mixtes peut ne pas être précise, entraînant un faible accord inter-observateur, le panel a choisi de définir comme solides les nodules sans parties kystiques anéchoïques évidentes et les autres comme mixtes.
Un nouveau I-TIRADS pour harmoniser les systèmes de classification
L'échogénicité fait référence à la réflectivité des composants solides non calcifiés d'un nodule par rapport aux structures de référence. Les nodules moins réfléchissants que la thyroïde sont classés comme hypoéchogènes, avec une sensibilité rapportée de 62,7% à 73,0% et une spécificité de 56,0% à 62,3% pour la malignité. L'hypoéchogénicité peut être subdivisée en légère, modérée ou marquée, car elle influence davantage le risque de malignité.
La marge est quant à elle définie comme la frontière entre le nodule thyroïdien et le parenchyme thyroïdien environnant. Une marge irrégulière est associée à un risque accru de malignité, avec une sensibilité rapportée de 50,5% et une spécificité de 83,1%. L’extension extra thyroïdienne (ETE) décrit la relation spatiale entre un nodule et la capsule thyroïdienne et les structures péri thyroïdiennes. La sensibilité rapportée est de 6,8% à 86,4%, sa spécificité est de 29,8% à 100% et une valeur prédictive positive, de 39,2% à 100% pour la malignité, qui reflète le degré de certitude que le nodule est véritablement invasif.
Enfin, le lexique I-TIRADS comprend des termes descriptifs pour les ganglions lymphatiques régionaux (cervicaux) qui sont pertinents pour la stadification de la tumeur et peuvent influencer la nécessité d'une biopsie d'un nodule thyroïdien. Le schéma de l'Association européenne de la thyroïde pour le classement américain des ganglions lymphatiques qui catégorise les nœuds en fonction de leur forme, de leur architecture interne et d'autres caractéristiques, a été approuvé par l'American Thyroid Association. Les caractéristiques associées au descripteur de ganglion lymphatique suspect I-TIRADS ont une sensibilité rapportée de 5,0% à 87,0% et une spécificité de 43,0% à 100%.
Ce travail de titan permettra, à terme, d’homogénéiser les pratiques et les recommandations. Il semblait nécessaire de le mener à bien pour rendre plus pertinents les modèles TI-RADS initiaux synthétisés dans l’I-TIRADS au bénéfice des patients.
Bruno Benque avec RSNA