Le TEP identifie l'accumulation de bêta-amyloïde chez des militaires exposés aux explosions
MARDI 09 MAI 2023
De nouvelles recherches publiées dans la Revue Radiology révèlent que les cerveaux de militaires, par ailleurs en bonne santé, qui sont exposés à des explosions, présentent une accumulation cérébrale anormale de protéine bêta-amyloïde, celle-là même qui joue un rôle dans le développement de la maladie d'Alzheimer. Une population contrôle du même âge ne présente pas de telle accumulation de bêta-amyloïde.

Les recherches menées au cours des dernières décennies suggèrent qu'il pourrait y avoir une relation entre les lésions cérébrales traumatiques répétitives ou graves (TRG) et l'accumulation anormale de bêta-amyloïde. Certaines formes de bêta-amyloïde peuvent s'accumuler dans des circonvolutions et des plaques cérébrales, ce qui peut entraîner un déclin cognitif et des maladies neurodégénératives telles que la maladie d'Alzheimer.
L’accumulation de bêta-amyloïde proposée comme événement précoce de la maladie l’Alzheimer
Une étude récente publiée dans la Revue Radiology se propose d’analyser les cerveaux de militaires, en bonne santé, mais soumis à des explosions fréquentes. « L'amyloïde bêta est une molécule que l'on ne trouve normalement pas dans le cerveau des jeunes patients, précise l'auteur de l'étude, le Pr Carlos Leiva-Salinas, professeur agrégé de radiologie à la faculté de médecine de l'Université du Missouri à Columbia (Missouri – USA). L'accumulation de bêta-amyloïde dans le cerveau est proposée comme un événement précoce dans la pathogenèse de la maladie d'Alzheimer, le type de démence qui affecte des millions de personnes. »
Les lésions cérébrales TRG peuvent être le résultat d'un traumatisme crânien direct, comme lors d’une chute ou de la pratique d’un sport de contact, mais il peut également résulter de forces indirectes, telles que les ondes de choc des explosions sur le champ de bataille, qui secouent violemment le cerveau dans le crâne. Des études d'autopsie antérieures ont montré la présence de plaques amyloïdes quelques heures après une lésion cérébrale grave.
Une étude explore le cerveau des militaires exposés aux explosions à l’aide du TEP
« Le TEP pourrait être utilisé pour identifier l'accumulation de bêta-amyloïde à un stade précoce chez les personnes ou les professions exposées à des lésions cérébrales traumatiques telles que le personnel militaire, les policiers, les pompiers, voire les joueurs de football américain », poursuit le Pr Leiva-Salinas. Pour l'étude, les chercheurs ont recruté neuf instructeurs militaires de grenades ou de défonceuses à la base militaire de Fort Leonard Wood, dans le Missouri, de janvier 2020 à décembre 2021. Les instructeurs de grenades et de défonceuses sont des officiers militaires qui forment les recrues à l'utilisation de grenades à main, d'explosifs ou d'autres méthodes mécaniques pour forcer les portes.
Neuf civils supplémentaires ont été inclus dans l'étude en tant que groupe témoin en bonne santé. Tous les participants n'avaient aucun antécédent de commotion cérébrale et ils étaient tous des hommes au début de la trentaine, un âge auquel l'accumulation d'amyloïde n'est pas attendue. Les 18 participants ont été évalués deux fois. La première évaluation visait à établir une ligne de base et la seconde a eu lieu après l'exposition au souffle d’une explosion, environ cinq mois après l'examen de base. Les instructeurs militaires ont rempli un journal numérique avec le nombre d'expositions aux explosions, y compris les tirs d'armes. Les participants témoins ont été évalués à des moments similaires.
La bêta-amyloïde s’accumule dans la plupart des cerveaux de militaires exposés
Tous les participants ont fait l’objet d’une TEP cérébrale afin d’évaluer et de quantifier les changements amyloïdes. Un logiciel d'analyse a été utilisé pour segmenter les six régions du cerveau qui sont généralement associées à la maladie d'Alzheimer et aux lésions TRG. Une accumulation anormale d'amyloïde a été observée chez six des neuf participants exposés à des explosions. Trois d’entre eux avaient une région du cerveau présentant une accumulation amyloïde accrue, deux avaient deux régions touchées et un participant avait trois régions présentant une accumulation anormale. Aucun des participants témoins sains n'a montré d'accumulation anormale d'amyloïde.
« Des recherches supplémentaires doivent être menées pour établir la relation entre la fréquence et la gravité des lésions cérébrales traumatiques et le degré de changements amyloïdes dans le cerveau, le cours naturel de l'accumulation observée et d'autres facteurs de risque biologiques potentiels pour le dépôt de plaque amyloïde et le développement du déclin cognitif », conclut le Pr Leiva-Salinas.
Bruno Benque avec RSNA