Financiarisation de la radiologie libérale : l'Académie de Médecine réagit
VENDREDI 15 JUILLET 2022
Alors que les instances de la radiologie française et les groupements de radiologues prennent des mesures pour contrer la financiarisation de l’exercice libéral de la spécialité, l’Académie de Médecine vient elle aussi de réagir sur ce problème. Elle appelle à ce que le principe d’indépendance des praticiens soit rétabli et que les dispositions juridiques régissant les autorisations d’exercice soient modifiées.

La radiologie libérale est dans l’œil du cyclone depuis quelques mois. Nous rapportons régulièrement dans nos colonnes les tentatives de rachat de centres d’imagerie médicale par de grands groupes financiers ou de fonds de pension – qui sont d’ailleurs souvent liés -.
L’Académie Nationale de Médecine s’inquiète de la financiarisation de la radiologie libérale
La spécialité de radiologie n’est pas un cas isolé puisque les cliniques privées, les EHPAD ou les laboratoires de biologie font l’objet de la même attention de la part des mêmes acteurs. Le secteur tente d’endiguer cette tendance en proposant aux radiologues libéraux des montages pluridisciplinaires ou l’adhésion à des structures regroupant les praticiens. C’est aujourd’hui l’Académie nationale de Médecine de tirer la sonnette d’alarme. Dans un communiqué publié le 27 juin 2022, elle a mis en garde les éventuels vendeurs de leur outil de travail contre le risque d’opacité dans les montages de ces sociétés d'exercice libéral ainsi que de la perte de la maîtrise de la gouvernance et de la gestion de leur nouvelle entité.
L’Académie cible également les contrats d'exercice entre les médecins et les sociétés financières qui rachètent leur cabinet contre une somme d’argent souvent conséquente mais qui les astreignent à des modes d’exercice ou à des exclusivités pour lesquels ils n’ont plus droit au chapitre, voire à des objectifs quantifiés à l’origine de sanctions s’ils ne sont pas atteints. Sans compter les problèmes éthiques que cette situation peut engendrer une perte d'autonomie décisionnelle, ce qui compromet l'indépendance des radiologues quant aux examens à pratiquer dans l’intérêt de leurs patients.
Revoir les dispositions juridiques régissant les autorisations d’exercice en imagerie médicale
Dans ce contexte, l’Académie de Médecine demande que « le principe d'indépendance des professionnels de soins soit inclus, en tant que principe déontologique fondamental, dans l'article L 162–2 du code de la Sécurité Sociale » et incite le Conseil National de l'Ordre des médecins (CNOM) à alerter les ordres départementaux pour favoriser la communication de tous les contrats passés avec les sociétés financières. Elle souhaite d’autre part que les contrats d'exclusivité des praticiens dans les cliniques privées soient encadrés, que la procédure actuelle d'autorisation d'équipements lourds soit remplacée par une autorisation d'activités de soins en imagerie, comme la législation l’a entérinée en radiologie interventionnelle neurologique, cardiaque et de la médecine nucléaire.
Elle cible enfin la responsabilité juridique des praticiens dans le domaine de la téléradiologie ainsi que la question de la propriété des données d'imagerie des patients qui, issues d’examens réalisés au travers de fonds publics de l'Assurance Maladie, risquent d’échapper à tout contrôle si l’on n’y prend pas garde.
Bruno Benque