Les promesses médico-économiques de la globalisation de l'imagerie oncologique
JEUDI 04 MARS 2021
La Commission Oncologie du Lancet sur l'imagerie médicale et la médecine nucléaire a présenté, le 4 mars 2021 lors du Congrès européen de radiologie (ECR) 2021, les résultats du tout premier processus global de quantification des ressources d'imagerie et de médecine nucléaire dans le monde, soulignant les inégalités dramatiques dans l'accès à ces ressources. Des avancées sanitaires et économiques substantielles sont attendues dans ce cadre.

D'ici 2030, dans le monde, le nombre annuel de nouveaux cas de cancer devrait atteindre environ 22 millions avec 13 millions de décès par cancer. L'imagerie est essentielle pour fournir un diagnostic rapide, une sélection et une planification de traitement appropriées et des résultats optimaux pour les patients atteints de cancer. C'est dans ce contexte que la Commission Oncologie du Lancet sur l'imagerie médicale et la médecine nucléaire a présenté, le 4 mars 2021 lors du Congrès européen de radiologie (ECR) 2021, les résultats du tout premier processus global de quantification des ressources d'imagerie et de médecine nucléaire dans le monde.
Des inégalités substancielles d’équipement entre les pays selon leurs revenus
« L'objectif de la Commission Oncologie du Lancet sur l'imagerie médicale et la médecine nucléaire est de fournir des données et des conseils pour catalyser l'amélioration durable des services d'imagerie médicale et de médecine nucléaire pour la gestion du cancer, en particulier dans les Pays à faible revenus ou intermédiaires (PRFI) », explique le commissaire principal, le Dr Hedvig Hricak du Memorial Sloan Kettering Cancer Center à New York (USA). Sous l'égide de cette Commission, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a collecté des données sur l'équipement et les personnels dédiés à la spécialité, en mettant l'accent sur les PRFI par le biais de la base de données sur les ressources mondiales d'imagerie médicale et de médecine nucléaire de l'AIEA (IMAGINE). Cette enquête a révélé des différences substantielles en termes d'unités d'imagerie par million d'habitants entre les pays à revenu élevé et à revenu faible ou intermédiaire. Il a également révélé que la disponibilité d’un personnel bien formé est un problème majeur affectant l'accès et la qualité de ces services.
Les avantages médico-économiques d’un développement global des unités d’imagerie oncologique
Un modèle de microsimulation développé par des chercheurs de l'Université de Harvard a estimé que l'extension de l'imagerie permettrait d'éviter 3,2% (2,47 millions) des 76 millions de décès causés par le cancer dans le monde entre 2020 et 2030. Les estimations du modèle indiquent qu'une extension complète de l'imagerie, du traitement et de la qualité des soins permettrait d'éviter 9,55 millions (12,5%) de tous les décès par cancer dans le monde, sauvant ainsi 232,30 millions d'années de vie. La combinaison de la mise à l'échelle de l'imagerie, du traitement et de la qualité des soins offrirait un avantage net de 2,66 milliards de dollars et un rendement net de 12,43 dollars par dollar investi.
« Pour la première fois, nous disposons de preuves chiffrant les avantages substantiels pour la santé et l'économie de la généralisation de l'accès à l'imagerie et à la médecine nucléaire pour les patients cancéreux dans le monde et nous avons un argument économique convaincant pour un investissement supplémentaire dans l'expansion mondiale de l'imagerie et de la médecine nucléaire », déclare quant à lui le Dr Rifat Atun, Professeur de systèmes de santé mondiaux à l'Université Harvard. « Nous devons maintenant convaincre les gouvernements et les organismes de financement de travailler ensemble à l'extension de l'infrastructure d'imagerie dans les PRFI », ajoute le Dr Hricak.
Faire avancer l’imagerie oncologique au même titre que les moyens curatifs
La Commission propose dès lors un appel à l'action ambitieux pour réduire le fardeau du cancer à l'échelle mondiale. Cet objectif est aligné sur les objectifs de la résolution 2017 de l'OMS sur le cancer et sur les objectifs de santé des Nations Unies dans le programme de développement durable à l'horizon 2030. « L'AIEA peut aider les pays à accroître leurs capacités d'imagerie diagnostique par le biais de missions d'enquête, de transferts de technologie, de renforcement des capacités, de recherche clinique, d'initiatives d'éducation et de formation, de programmes de gestion de la qualité et de directives », précise le Dr May Abdel-Wahab.
La Commission conclut que la science et la technologie ne sont pas des obstacles à une mise à l'échelle mondiale équitable de diagnostics efficaces d'imagerie du cancer et qu’il s’agit plutôt d’une question de volonté politique. « L'imagerie du cancer est vitale pour un diagnostic et un traitement précis, mais d'énormes inégalités existent dans le monde et de nombreux pays parmi les plus pauvres du monde souffrent d'une pénurie ou d'un manque total de technologie et de ressources nécessaires, conclut le Pr David Collingridge, rédacteur en chef du Lancet Oncology. Nous devons faire avancer le débat afin que l'imagerie du cancer soit placée aux côtés des interventions curatives en tant qu'élément essentiel de la prise en charge complète du cancer et, partant, de la couverture sanitaire universelle. »
Bruno Benque