L'AFPPE change de gouvernance mais ne relâche pas ses efforts pour faire évoluer le métier de manipulateur
MERCREDI 06 JANVIER 2021
Quelques semaines après sa prise de fonction de Président de l’AFPPE, Matthieu Caby nous accordé une longue interview. La pérennisation de l’association, les évolutions du métier de manipulateur d’électroradiologie scrutée par l’IGAS, la pénurie de professionnels, la formation initiale ou les tout nouveaux webinaires de l’AFPPE, il n’a éludé aucun sujet.

Thema Radiologie : Qui êtes-vous Matthieu Caby ?
Matthieu Caby : Je suis cadre supérieur de santé au CHU de Reims dont je pilote le Pôle imagerie depuis 2018. J’ai également été élu, le 10 octobre 2020, Président de l’Association Française du Personnel Paramédical d’Électroradiologie (AFPPE). Je suis adhérent depuis plusieurs années à l’association qui représente l’ensemble des manipulateurs d’électroradiologie de l’Hexagone, toutes spécialités confondues, mais également, des autres métiers paramédicaux rattachés au domaine de l’imagerie médicale diagnostique et thérapeutique.
T.R. : Quel est le projet de la nouvelle gouvernance de l’AFPPE qui, rappelons-le, comprend également Stéphanie Garec (CHU de Brest – vice-Présidente), Sandrine Bruneteau (CHU Poitiers – Secrétaire Générale) et Christophe Thouvenot (CHU Nancy – Trésorier) ?
M.C. : Tout d’abord je voudrais préciser que les noms que vous venez de citer constituent le noyau dur d’un panel de manipulateurs bénévoles qui forment un bureau national élargi comprenant les responsables des Commissions scientifiques et des antennes régionales de l’association. Tous participent aux discussions et aux décisions, conformément aux demandes des adhérents que nous avions réunis en séminaires en 2019. Notre projet est, dans un premier temps, d’assurer une continuité par rapport aux avancées qui ont été rendues possibles pour la profession par le bureau précédent. Il s’agit de poursuivre le développement de l’association, en lien avec les évolutions sociétales, à la fois au travers de l’évolution de la crise sanitaire, qui impacte fortement notre fonctionnement puisqu’il nous est impossible actuellement d’organiser nos formations en présentiel, mais également dans un environnement changeant et l’accélération des usages numériques.
"Nous allons poursuivre l'effort entrepris sur de nouveaux protocoles de coopération et sur les pratiques avancées"
T.R. : Quel sera le rôle de l’AFPPE dans l’évolution de la profession de manipulateur ?
M.C. : Nous allons poursuivre l’effort qui a été initié jusqu’à présent sur le thème de la promotion des spécialités entrant dans le champ de la profession, la proposition de nouveaux protocoles de coopération et, bien entendu, l’accès, pour les manipulateurs, aux pratiques avancées. Ils ont développé certaines compétences supérieures ces dernières années, notamment en échographie ou dans le suivi au long cours des patients en radiothérapie. Il s’agit d’un gros chantier, qui prendra surement du temps, mais nous avons l’ambition de concrétiser toutes ces évolutions. Sur la formation initiale également, nous avons un gros travail de communication à faire auprès du grand public, et en particulier des jeunes, pour pouvoir attirer plus d’étudiants dans les instituts, mais surtout pour que ces derniers aillent tous au bout du cursus de formation. L’enjeu est de pérenniser la profession et de faire reculer la pénurie de manipulateurs qui sévit dans certaines régions.
T.R. : Comment comptez-vous toucher ces éventuels nouveaux étudiants ?
M.C. : Nous allons lancer, pour cela, une campagne grand public courant 2021 et nous espérons obtenir le concours des sociétés savantes comme la SFR, la SFRO ou la SFMN, ainsi que de la FNMR dans cette démarche afin de lui donner plus d’impact. Les radiologues ont besoin des manipulateurs pour les accompagner dans leurs activités, ils sont donc concernés au premier chef par cette problématique. Concernant les étudiants enfin, dans le contexte de crise sanitaire, beaucoup d’infirmiers se plaignent de devoir passer leur temps se stage en soutien des professionnels de terrain, et ce au détriment de leur formation technique. Les étudiants manipulateurs sont également impactés, selon le territoire dans lequel ils exercent. Beaucoup d’étudiants ont été sollicités en ce sens, alors que d’autres pas du tout, c’est très aléatoire. Mais nous sommes vigilants, en coopération avec le Comité d’harmonisation des formations, que ces pratiques ne se généralisent pas.
"Nous avons de grosses attentes par rapport à la mission IGAS sur l'évolution de la profession"
T.R. : L’année 2019 a vu la création du Conseil National Professionnel des manipulateurs (CNPMEM). Comment son action se coordonnera-t-elle avec l’AFPPE ?
M.C. : L’AFPPE est intégrée au CNPMEM, elle y est majoritaire en termes de nombre d’adhérents et participe ainsi aux décisions qui y sont prises. Le CNPMEM est reconnu comme représentatif de l’ensemble de la profession vis-à-vis des tutelles, mais également auprès des sociétés savantes. Elle perpétue ainsi le travail de coopération instauré depuis 70 ans par l’AFPPE, mais de manière plus formelle, ce qui représente un atout supplémentaire dans les discussions à venir.
T.R. : Le Ségur de la Santé a rendu son verdict durant l’été 2020. Êtes-vous satisfait des mesures qui en ont été tirées ?
M.C. : Nous sommes à moitié satisfaits par ses conclusions, car les revalorisations salariales n’ont pas atteint le niveau demandé d’une part, bien qu’une avancée significative soit à souligner, et d’autre part les augmentations d’effectifs ne se sont pas encore traduites dans les faits, ni n’ont pas fait l’objet de dispositions concrètes pour les améliorer. Sur ce point, nous avons de grosses attentes par rapport à la mission IGAS lancée par le Ministre Olivier Véran pour évaluer le devenir de la profession de MERM et dont nous attendons les résultats pour le début de 2021. La pénurie de manipulateurs, qui était peu répandue jusqu’à maintenant, touche désormais tous les territoires et toutes les spécialités, puisque même les services de Médecine nucléaire et de radiothérapie sont touchés. Nous avons insisté, auprès des inspecteurs de la mission IGAS, sur le fait que les étudiants ne vont pas toujours au bout de leur cursus de formation et sur les actions mises en œuvre au sein des instituts pour mieux cibler les étudiants avant qu’ils ne débutent leur formation, au sortir de Pacoursup, en réalisant notamment des entretiens préalables notamment.
"Nos wébinaires "Les jeudis de l'AFPPE" nous permettent de rester en contact avec notre communauté"
T.R. : La campagne de communication que vous souhaitez lancer prendra la forme, par exemple, en 2021, de « La semaine du manipulateur ». De quoi s’agit-il ?
M.C. : Nous avons pour projet en effet, autour de la Journée internationale de la Radiologie (IDoR) qui est organisée chaque année le 8 novembre, de créer l’opération « La semaine du manipulateur » pour faire connaître le métier et lui donner de l’attractivité. Durant toute une semaine, nous souhaitons occuper le champ médiatique à travers des actions de communication, dans nos médias mais aussi, nous l’espérons, dans les plateformes d’information grand public qui voudront bien nous donner de l’audience.
T.R. :L’AFPPE, nous le discernons dans vos propos, se donne une image encore plus entreprenante. Les « Jeudis de l’AFPPE » entrent dans cette dynamique. Quels en sont les objectifs ?
Les « Jeudis de l’AFPPE » sont des wébinaires mensuels que nous avons créés en décembre 2020 et qui ont pour but de continuer à informer les MERM sur leur profession et sur ses évolutions, en attendant que nos journées de formation en présentiel ne redémarrent. Ils nous permettent, de plus, de garder le contact avec notre communauté, lui montrer que nous sommes toujours actifs, tant sur le champ scientifique qu’institutionnel. Ces wébinaires sont gratuits et consultables via un lien Zoom ou par Facebook Live. Le premier du nom, que nous avons diffusé le 10 décembre 2020, a été un franc succès ! Nous reprendrons, je l’espère, nos congrès en présentiel les 20 et 21 mai 2021 avec les Journées scientifiques de Reims, mais il est possible que les wébinaires perdurent même si le présentiel reprend.
T.R. :Pour finir, quelle est la position de l’AFPPE suite aux mouvements de grève qui ont été organisés durant l’année 2019 et 2020 et qui ont suscité quelques critiques vis-à-vis de l’association ?
M.C. : L’AFPPE est, comme l’a annoncé le past-Président Fabien Voix lors des Journées scanner de Nice en mars 2020, solidaire, la plupart du temps, des actions menées par les manipulateurs et les syndicats. L’AFPPE a été, ces dernières années en particulier, en première ligne pour faire avancer la profession sur le plan scientifique auprès des tutelles. Mais elle n’est pas un syndicat et, à ce titre, ne fait pas figure de proue lors des manifestations. Mais les MERM savent que nous sommes toujours en soutien lorsque les revendications nous semblent pertinentes. C’est ainsi que nous sommes très vigilants concernant le prochain rapport de l’IGAS, et notamment sur l’évolution des grilles indiciaires promises pour la fin 2021. Et en ce sens, l’AFPPE ne mérite en rien les critiques dont elle a pu faire l’objet l’année dernière.
Propos receuillis par Paco Carmine