Économie de l'imagerie médicale: changer le jeu au lieu de rabattre sans cesse les cartes
MARDI 10 OCTOBRE 2017
Suite et fin de notre interview de Nesrine Benyahia, docteure en droit public spécialisée en analyse des systèmes de santé, notamment de l’imagerie médicale du Cabinet Houdart & Associés. Après avoir fait un bilan du cadre juridique et tarifaire de l’imagerie médicale, elle évoque les évolutions législatives qui régissent ce secteur majeur de la médecine.

Thema Radiologie : Quelles sont les principales mesures à prendre sur le champ de l’organisation des équipements d’imagerie ?
Nesrine Benyahia : Les deux principales mesures relatives à l’organisation des équipements d’imagerie sont le régime des autorisations et les plateaux techniques d’imagerie médicale mutualisés (PIMM). L’installation des équipements matériels lourds est soumise à des autorisations administratives délivrées « équipement par équipement ». L’obtention du Saint Graal est tributaire d’une procédure d’autorisation contraignante fonctionnant au compte-gouttes. L’article 204 de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016autorise désormais le gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de deux ans suivant la publication de la loi, des « mesures d’amélioration et de simplification du système de santé relevant du domaine de la loi visant à moderniser et simplifier les différents régimes d'autorisation des activités de soins et d'équipements matériels lourds (…) afin d'assurer une plus grande cohérence avec les projets régionaux de santé, intégrant ainsi la révision des durées d'autorisation, et d'alléger les procédures, notamment à l'occasion d'opérations de renouvellement, de transfert ou de cession d'autorisation (...) ».
La DGOS propose ainsi de créer un régime d’autorisation d’activité d’imagerie à l’instar de ce qui a déjà été réalisé pour la dialyse ou pour la radiothérapie. Cette idée de créer une réglementation de l’activité d’imagerie a été implicitement sous-entendue par la Cour des comptes dans son rapport de 2010 (La politique d’équipement en imagerie médicale. Cour des comptes. Septembre 2010). Nous attendons l'application de cette mesure phare pour la fin d’année 2017. En parallèle, l’article 113 de la loi du 26 janvier 2016 a créé les plateaux d’imagerie médicale mutualisés (PIMM). Ce dispositif innovant est en passe de bouleverser fortement le paysage organisationnel de la pratique de l’imagerie médicale, mais surtout de faire évoluer les enjeux en matière de coopération sanitaire et de regroupements d’établissements de santé (« Les Plateaux d’Imagerie Médicale Mutualisés (PIMM) sonnent-ils le glas des GIE ? », Maître Laurent Houdart, Cabinet Houdart & Associés).
Thema Radiologie : Quels sont les enjeux des nouvelles modalités de fixation des forfaits techniques des équipements matériels lourds ?
Nesrine Benyahia : L’article 99 de la Loi de Finance de la Sécurité Sociale (LFSS) pour 2017 modifie en profondeur le processus décisionnel de fixation des tarifs des forfaits techniques. Le gouvernement précédent s’était alors saisi de la question de la prise en charge des équipements matériels lourds (scanner, IRM, TEP) en se fondant sur les recommandations de la Cour des comptes dans son dernier rapport relatif à l’imagerie médicale du 11 mai 2016. L’objectif est de « revoir en priorité le montant des forfaits techniques sur la base de comptes d’exploitation régulièrement actualisés afin d’exclure tout effet de rente et de dégager ainsi des marges de manœuvre financières ». Les effets de rente dénoncées par les Sages du Palais Cambon ont été la principale raison de refonte de la procédure de fixation des forfaits techniques.
Ainsi, la nouvelle procédure ad hoc s’est accompagnée de la création d’une commission des Èquipements Matériels Lourds (EML) (arrêté du 25/08/17 relatif à la composition et au fonctionnement de la commission des EML). Elle a pour mission de rendre un avis motivé sur les évolutions tarifaires proposées par le DG de l’UNCAM, qui préside lui-même ladite commission. Cette procédure pose tout de même la question du recul du processus conventionnel, ce qui participe à la dévalorisation de la portée historique de la convention médicale.
Thema Radiologie : Pour finir, que pensez-vous des récentes décisions unilatérales de l'UNCAM ?
Nesrine Benyahia : Les pouvoirs publics ont profité de ce changement normatif pour procéder à une baisse unilatérale des montants des forfaits techniques. Cette procédure d’exception a été concrétisée par la décision UNCAM du 16 janvier 2017 qui a entériné une baisse globale de 2% des forfaits techniques de l’ensemble des EML et le remplacement du modificateur Z (majoration de 21,8%) par le modificateur Y (majoration de 15,8%).
La politique continuelle du rabot n’est pas une politique structurante. L’inaccessibilité ou l’opacité des données et du calcul de ces baisses tarifaires ne permet pas de créer un environnement propice au développement de l’imagerie médicale dans un cadre de maîtrise médicalisée des dépenses. Au lieu d’abattre sans cesse de nouvelles cartes, il faudra peut-être penser à changer de jeu !
Me Nesrine Benyahia