LA PLACE DE L'ÉCHOGRAPHIE DANS L'IMAGERIE INTERVENTIONNELLE
MERCREDI 18 NOVEMBRE 2015
L’échographie reste la technique de guidage la plus utilisée en radiologie interventionnelle en raison de sa facilité d’accès, de l’imagerie temps réelle qu’elle offre et de son excellente résolution en contraste. Néanmoins, l’échographie conventionnelle n’est pas suffisante dans beaucoup de situations et le radiologue interventionnel doit alors se tourner vers les modalités d’imagerie dites lourdes, comme le scanner, les machines capteurs plan ou l’IRM. Depuis environ trois ans, l’échographie connaît une nouvelle évolution grâce à la fusion d’images. Pour en savoir plus, nous allons rencontrer le Dr Julien Garnon dans le service de Radiologie Interventionnelle du Professeur Afshin Gangi au NHC de Strasbourg.

Thema Radiologie : Bonjour Dr Garnon, pouvez-vous nous décrire l’organisation de votre service ?
Dr Julien Garnon : Notre service est entièrement dédié à la radiologie interventionnelle. Nous réalisons des gestes courts et ambulatoires comme les infiltrations radio-guidées et certaines biopsies, mais aussi des gestes plus complexes comme les destructions tumorales percutanées. 3 salles sont équipées en imagerie lourde : une salle capteur plan avec possibilités d’acquisition 3D « scanner-like », une salle scanner et une salle d’IRM interventionnelle. Nous disposons également d’un échographe Toshiba Aplio 500 depuis 2 ans que nous utilisons dans une salle annexe pour les gestes pouvant être faits en échographie seule, ou alors en complément du scanner ou du capteur plan lorsque l’intervention requiert une approche combinée par ultrasons et rayons X (comme certaines ablations percutanées ou certains drainages par exemple).
Abord latéral monitoré
T.R : Comment avez-vous accueilli l’arrivée de l’Aplio 500 équipé de la Fusion d’Images dans votre plateau technique ?
Dr J.G : Avec excitation ! Le fait de voir l’imagerie en coupes synchronisée en temps réel avec l’imagerie ultrasonore, et ce quel que soit l’inclinaison de la sonde échographique, est assez extraordinaire. Nous avons commencé par réaliser des gestes simples pour se familiariser avec la technique. Assez rapidement, notre but a ensuite été de tester les différentes possibilités de la machine, afin de voir si l’imagerie de fusion permettait de repousser les limites de l’échographie mode B en interventionnel.
T.R : Quels sont les avantages de pouvoir fusionner un volume CT ou MR avec l’imagerie échographique en temps réel ?
Repérage de la lésion par fusion et suivi du trajet et de l'aiguille en temps réel
Dr J.G : Le problème constant du radiologue interventionnel est de repérer la cible avec certitude. Il y a certaines situations où l’échographie conventionnelle peut être prise en défaut, et il faut alors penser à d’autres techniques de guidage comme le scanner ou l’IRM qui sont d’accès plus difficiles. L’intérêt de l’imagerie de fusion est de pouvoir cibler certains de ces nodules mal ou non visibles. En effet, le fait de disposer d’imagerie en coupes qui défile en direct juste à côté de l’imagerie ultrasonore permet de se focaliser sur la zone d’intérêt et ainsi de voir une anomalie qui serait passée inaperçue en échographie seule. Cela a été prouvé dans la littérature au niveau hépatique.
T.R : La prise en main de cette technique a-t-elle été difficile ?
Dr J.G : Non, l’apprentissage est assez rapide. Avec les améliorations technologiques, une fusion satisfaisante est obtenue avec 1 ou 2 points de fusion. Finalement, le plus difficile au départ est de définir un point de fusion reproductible à la fois sur l’échographie et l’imagerie en coupes, selon la localisation anatomique de la lésion cible. Mais cela s‘acquiert en une dizaine de cas.
Fusion Pleuro-pulmonaire. Geste rendu possible sous échographie grâce au repérage sécurisé par la Fusion et à l’affichage précis de l’emplacement de la pointe de l’aiguille en temps réel
T.R : Votre service hautement spécialisé vous amène à faire des gestes complexes. Quand avez-vous eu entière confiance en la fusion d'images pour ces actes particuliers ?
Dr J.G : Nous avons l’avantage de disposer d’une salle de scanner interventionnel. Ainsi, pour les premiers cas, nous avons contrôlé en scanner ce que nous faisions grâce à l’imagerie de fusion. Sur 20 patients, nous avons pu montrer que le décalage moyen entre la fusion et l’imagerie scanner réelle était de l’ordre de 5 mm pour les lésions hépatiques, ce qui est tout à fait acceptable en pratique clinique quotidienne.Le plus important, que ça soit pour le foie ou un autre organe, est d’avoir une fusion de qualité, que l’on reconnaît en comparant le recalage de diverses structures anatomiques (vasculaires ou osseuses par exemple).Là aussi, reconnaître si la fusion est de bonne qualité s’apprend très vite pour quelqu’un d’aguerri en échographie.
La fusion associée au Needle tracking permet de sécuriser le trajet de l’aiguille lors d’une intervention délicate sur la glande surrénale
T.R : Après deux ans d’utilisation, l’organisation du service et la prise en charge du patient ont-elles été modifiées par l’intégration de l’Aplio500 Fusion ?
Dr J.G : Depuis l’intégration de l’Aplio 500, nous avons augmenté le nombre d’actes réalisés sous échographie. La majorité de ces actes reste faite sous contrôle échographique seule. Mais l’imagerie de fusion permet de réaliser des gestes qui n’auraient pas été faisables en échographie conventionnelle. Cette modalité est aussi intéressante en combinaison avec le scanner pour certains gestes d’ablation percutanée complexes, l’échographie servant à cibler la lésion et le scanner à monitorer la zone d’ablation. L’imagerie de fusion a également un grand potentiel éducatif pour les radiologues en formation. A mon sens, cette technologie a toute sa place dans un service de radiologie orienté vers l’interventionnel.
Bruno Benque