L'Autopsie Virtuelle, une jeune discipline en développement
LUNDI 14 AVRIL 2014
Alors que s'annonce le Congrès International sur l'Autopsie Virtuelle, du 15 au 17 mai 2014 à Marseille, nous avons rencontré le Pr Guillaume Gorincour, Président de l'International Society of Forensic Radiology and Imaging et principal organisateur de cet événement, où se rencontreront les meilleurs spécialistes mondiaux de la discipline.

Théma Radiologie: Vous êtes, depuis fin 2013 Professeur des hôpitaux et, depuis Mai 2013, Président de l'International Society of Forensic Radiology and Imaging, en plus de vos responsabilités au sein de la Société Francophone d'Imagerie Pédiatrique et Périnatale ainsi que du laboratoire LIIE à la Faculté de Médecine de Marseille. Comment trouvez-vous le temps de coordonner toutes ces missions ?
Pr. Guillaume GORINCOUR: J’ai abandonné les to-do lists et essaie de faire les choses les unes après les autres… mais le plus important commence le soir à la maison avec les enfants !
T.R.: Vous organisez en mai prochain le Congrès International d'Autopsie Virtuelle sur le Campus Timone de Marseille. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette discipline ?
Pr. G.G.: L’autopsie virtuelle connaît depuis 10 ans un important développement par l’application des techniques d’imagerie en coupes à la médecine légale. L’objectif princeps de la médecine légale est la découverte des causes de la mort et la médecine légale bénéficie aujourd’hui des avancées techniques dans de nombreux domaines médico-scientifiques : la génétique, la biochimie et l’imagerie notamment. Concernant l’imagerie, l’utilisation de la radiographie conventionnelle est courante depuis plusieurs décennies, particulièrement lors de l’étude de morts violentes. Ainsi, dès ses deux premières décennies d'existence, avant la 1è guerre mondiale, l’intérêt de la radiologie pour expliquer certaines morts traumatiques accidentelles ou par arme à feu s’est rapidement imposé et l’imagerie dite de projection est devenue vite complémentaire de l’autopsie dans un certain nombre de situations spécifiques.
T.R.: Le concept d'Autopsie Virtuelle date-t-il de cette époque là ?
Pr G.G.: Non, ce concept d’autopsie virtuelle est plus récent, il a été « inventé » par l’équipe Suisse menée initialement par Peter Vock, Richard Dirnhofer et Michael Thali. Il s’agit d’utiliser les techniques modernes d’imagerie en coupes (scanner et IRM) afin d’aider à la détermination des causes du décès. L’idée a été « simplement » d’étendre aux cadavres les progrès techniques dont les patients vivants ont bénéficié. L’autopsie virtuelle n’a pas pour objectif de remplacer l’autopsie classique chirurgicale, mais d’apporter des informations complémentaires parfois difficiles à mettre en évidence à l’autopsie, comme, par exemple certaines localisations de fractures, les épanchements gazeux, ou la localisation précise de projectiles balistique.
T.R.: Qu'apporte, concrètement, l'Autopsie Virtuelle à la médecine légale ?
Pr G.G.: Elle présente plusieurs avantages. C’est d'abord une méthode non invasive qui n’interfère pas sur l’autopsie à venir. Elle prépare l’autopsie comme un chirurgien qui ne fait plus de chirurgie complexe sans préparation et cartographie aidée par l’imagerie. Elle permet, ensuite, une réinterprétation a posteriori, puisque les examens sont conservés et peuvent être relus ultérieurement. De plus, les données sont transférables, ce qui permet une analyse à distance par d’autres experts, et le rendu iconographique est démonstratif, particulièrement pour la localisation spatiale des corps étrangers. Ce rendu prend d’ailleurs un aspect objectivé, aseptisé et non sanglant.
T.R.: Quelles sont les modalités utilisées en Autopsie Virtuelle ?
Pr G.G.: Le scanner sans injection est remarquablement efficace pour le bilan des lésions osseuses, ainsi que pour la recherche d’épanchements gazeux anormaux, pleuraux ou abdominaux Ceci est particulièrement important dans le cadre des accidents de plongée, pour lesquels les Drs PE Laurent et M Coulange, dans notre équipe, sont des spécialistes. L’IRM est, quant à elle, bien supérieure pour l’exploration des lésions cardiaques, musculo-tendineuses ou parenchymateuses cérébrales, hormis pour le poumon. L’IRM étant moins disponible en dehors des centres disposant de machines dédiées, ce qui est le cas en Suisse essentiellement, des examens ciblés sont réalisés en fonction des données du scanner non injecté, véritable outil de triage initial. Ensuite, les protocoles de scanner injecté sont à l’étude pour déterminer l’intérêt de cette technique complémentaire et déterminer les modalités techniques assurant une reproductibilité satisfaisante des résultats, quel que soit l’état de conservation ou de dégradation du cadavre. L’équipe de Lausanne exposera d’ailleurs les résultats de l’étude TWIGPAM.
T.R.: Quelles sont les applications récemment mises en œuvre ?
Pr G.G.: Le scanner post-mortem joue également un rôle croissant dans les problématiques d’identification. En particulier, la comparaison à d’éventuelles données d’imagerie obtenues en ante-mortem est très performante, notamment la comparaison de lésions traumatiques, de matériel prothétique, de variantes d’ossification, et particulièrement des cloisonnements sinusiens. A titre d’exemple, il a été utilisé par exemple dans l’identification de victimes de catastrophes naturelles, comme celles du Tsunami ou des incendies géants en Australie. L’imagerie post-mortem prend aussi une place croissante dans les problèmes de mortalité périnatale, et une session entière du congrès y est consacrée.
T.R.: Vous êtes spécialisé en imageries fœtale et post-mortem. Votre parcours touche au mystique ?
Pr G.G.: Mon parcours est le reflet de mes rencontres. Je n’ai pas rencontré Dieu rassurez vous ! j’ai rencontré des Maitres qui sont devenus des amis : Philippe Devred, Steffen Ross, Michael Thali. J’ai suivi leurs conseils. Et un peu travaillé...
Bruno Benque