Le futur de l'imagerie médico-légale en France, c'est la Suisse !
JEUDI 30 NOVEMBRE 2017
Soumise à une demande croissante de la part des institutions judiciaires, l'imagerie, et en particulier le scanner post-mortem, est appel à se développer en France. Le Pr Guillaume Gorincour, que nous avons rencontré, revient pour nous sur les évolutions attendues pour cette discipline. Il les présentera lors du VIIIème Symposium Scanner volumique.

Le Pr Guillaume Gorincour, radiopédiatre et coordonnateur du projet « autopsie virtuelle » à l'AP-HM, interviendra le 29 janvier lors du Symposium Scanner volumique avec une présentation de l'évolution des pratiques en scanner post-mortem.
Faire face à une demande croissante des institutions judiciaires
Si la prise en charge radiologique des fœtus, des enfants et adolescents est son activité première, il a développé, depuis quelques années au sein du GRAVIT (Groupe de Recherche en Autopsie Virtuelle et Imagerie Thanatologique), la spécialité d'imagerie médico-légale, et en particulier la Virtopsie, et la met en pratique dans son institution. "Nous avons besoin de nous structurer et de faire évoluer cette discipline en France, afin de répondre à la demande croissante des institutions judiciaires, annonce-t-il en préambule. Il est ainsi nécessaire, aujourd'hui, d'installer des modalités d'imagerie en coupes - et les radiologies qui vont avec ! - au sein même des Instituts médico-légaux, à côté de la salle d'autopsie."
Faire évoluer les moyens matériels et les temps radiologues dédiés
Car devant la montée en charge des examens radiologiques post-mortem, les médecins légistes verraient d'un bon œil qu'ils s'intègrent au processus d'investigation sur des cadavres, au même titre que l'autopsie, l'histologie ou la toxicologie. "En France, le scanner post-mortem est réalisé le plus souvent dans les services cliniques, qui nous octroient des plages horaires dédiées, poursuit-il. Mais, suivant les procédures, cela n'est pas suffisant. Par exemple, un angioscanner de cadavre prend plus d'une heure et il est difficile de lui faire une place dans les plannings d'examens classiques. Nous devons augmenter les moyens matériels et les temps de radiologues dédiés à cette discipline."
Une avance considérable des pratiques en Suisse
Le Pr Gorincour se définit comme un radiologue hybride, entre imagerie et médecine légale. Pour faire progresser cette activité, il aura également besoin à ses côtés de manipulateurs hybrides, pour lesquels on pourrait envisager de créer un diplome universitaire de manipulateur forensique, comme c'est le cas en Suisse à l'initiative du d’Alejandro Dominguez. "Nos voisins helvètes sont très en avance en radiologie médico-légale, notamment sur l'angioscanner post-mortem, très riche en information dans ce domaine, regrette-t-il. Sous l'impulsion du Pr Michael Thali, un des pionniers de cette spécialité, ils ont déjà réalisé l'intégration de l'imagerie en coupe dans les Instituts médico-légaux et sont responsables de nombreuses avancées scientifiques. Mon confrère toulousain Fabrice Dédouit les a même rejoints récemment pour prendre part à ces évolutions. Notre avenir est déjà le présent en Suisse !"
Corréler les données scanographiques et autopsiques
Le scanner post-mortem est en effet très développé en Suisse. Mais la médecine médicolégale utilise également d'autres technologies qui permettent d'affiner les explorations, comme par exemple la reconstitution animée virtuelle des scènes de crime. "À Lausanne, ma confrère Silke Grabherr a mis au point des protocoles de recherche avec des corrélations des images d'angioscanner avec celles issues de l'autopsie. À Zurich, d'autre part, mes confrères travaillent avec des spécialistes de l'animation, sur un modèle aux dimensions du patient, à partir des données images du scanner, qui permet d'obtenir une vision animée d'un trajet balistique ou d'une déformation anatomique. Ils utilisent également un protocole photographique du corps de la victime, dénommé Photogrammétrie, qui colle littéralement les photos de la surface du cadavre aux images scanner et l'intègre à l'animation."
Une discipline qui mérite des programmes de recherche et des radiologues à temps plein
Une autre technologie consiste à reconstituer virtuellement, via un scanner optique, de grands volumes comme une scène de crime ou un lieu d'accident, et à lui adjoindre un modèle animé incluant le scanner post-mortem. Il est ainsi possible, par exemple, de mettre en corrélation une fracture de tibia avec l'image déformée d'un pare-choc de voiture, ou de se balader virtuellement dans une scène de crime. "Comme vous le voyez, il nous reste beaucoup de chemin à parcourir, et c’est extrêmement motivant pour nos jeunes, pour arriver au niveau de nos amis suisses, conclut le Pr Gorincour. Ils ont pu, pour en arriver là, obtenir l'écoute de leurs tutelles et le soutien des Instituts médico-légaux pour faire de l'imagerie post-mortem une discipline à part entière avec des programmes de recherche dédiés et des postes de radiologues à temps plein."
Espérons que, dans un avenir proche, l'imagerie médico-légale pourra se faire une place dans les grandes thématiques médicales aux côtés du cancer, du diabète ou de l'infectiologie. Pour vous faire une idée plus précise des nouvelles approches que permet l'imagerie médico-légale, et de l'angioscanner post-mortem en particulier, rendez-vous le 29 janvier 2018 à Nancy.
Propos recueillis par Bruno Benque