L'IA pour trier les femmes éligibles au dépistage du cancer du sein par IRM
VENDREDI 07 FéVRIER 2025
L’accès aux modalités d’IRM est difficile, c’est un fait établi, pour l’exploration complémentaire du dépistage du cancer du sein. Dans contexte, l’IA peut-elle être pertinente pour trier les mammographies et sélectionner les femmes éligibles à l’IRM ? Une étude publiée dans la Revue Radiology explore les avantages de cette solution en utilisant un score de suspicion mais les modèles d’IA sont à affiner afin qu’ils puissent identifier tous les types de cancers.

Le dépistage du cancer du sein complète parfois l’examen mammographique par une IRM mammaire pour les patientes les plus à risque. Pour obtenir une précision de détection optimale en effet, les recommandations internationales suggèrent ce complément pour les femmes présentant un risque à vie de 20% ou plus en fonction des antécédents familiaux.
Un accès difficile aux modalités d’IRM pour le complément au dépistage du cancer du sein
Le problème majeur, dans ce cas, est la disponibilité des modalités d’IRM. Dans une étude néerlandaise publiée dans la Revue Radiology, les chercheurs évoquent, aux Pays-Bas, un accès très compliqué à un dépistage IRM pour les femmes présentant un risque de cancer du sein compris entre 20 et 50%. Ils évoquent également des coûts de mise en œuvre élevés et une application incohérente des critères d’éligibilité dans la pratique clinique.
« Les preuves démontrant les avantages du dépistage par IRM dans ce sous-groupe de femmes s'accumulent, prévient l'auteure principale de l'étude, le Dr Suzanne van Winkel, infirmière autorisée, du Centre médical universitaire Radboud à Nimègue (Pays-Bas). L’IRM permet de détecter des cancers qui ne sont pas détectés par la mammographie et qui sont plus petits et plus souvent négatifs au niveau des ganglions lymphatiques. »
Peut-on utiliser l’IA pour trier les mammographies et sélectionner les femmes éligibles à l’IRM ?
De nombreuses études récentes ont démontré le potentiel de l’IA pour améliorer la détection du cancer lors du dépistage par mammographie, y compris les cancers non visibles sur la mammographie selon l’interprétation du radiologue. L’IA pourrait donc être utilisée pour trier les mammographies et sélectionner les femmes qui pourraient potentiellement bénéficier d’une IRM supplémentaire après une mammographie négative selon l’interprétation du radiologue.
Aux fins de cette étude rétrospective, les femmes ayant des antécédents personnels de cancer du sein, des seins denses ou des antécédents de lésions à haut risque lors de la biopsie, et les femmes présentant un risque accru en raison des antécédents familiaux mais sans mutation génétique ont été qualifiées de « risque intermédiaire ».
Une étude explore les avantages de cette solution en utilisant un score de suspicion
Les chercheurs ont utilisé un système d’IA disponible dans le commerce pour analyser les mammographies de dépistage 2D des femmes qu’ils ont classées comme à risque intermédiaire afin d’identifier les patientes présentant la plus grande probabilité de cancer occulte à la mammographie pour une IRM supplémentaire.
Les chercheurs ont extrait une cohorte de 1 833 femmes consécutives qui ont fait l’objet d’au moins une IRM de dépistage combinée ou alternée avec une mammographie de dépistage entre 2003 et 2020 à partir de la base de données d'IRM mammaire des patientes du Centre médical universitaire Radboud. Les femmes présentant un risque de cancer du sein au cours de leur vie supérieur à 50% ont été exclues.
Une solution au problème des cancers occultes à la mammographie
Au total, 3 358 examens mammographiques ont été réalisés sur 875 femmes. Parmi ceux-ci, 2 819 (84 %) examens chez 760 femmes (âge moyen 48,9 ans) ont été traités par le système d'IA et ont reçu un score de suspicion basé sur les cas (0 à 10) qui classait la probabilité d'une tumeur maligne. Les examens combinés ont détecté 37 (1,3%) cancers du sein. Dans 19 (51%) de ces cas, le cancer n’était pas visible à la mammographie.
En utilisant un score seuil de 5 (autorisant un dépistage IRM supplémentaire chez 50% des femmes concernées), l’IA a sélectionné 31 (84%) des examens positifs au cancer du sein pour une IRM supplémentaire, dont 68% des examens avec cancer du sein occulte sur la base de la lecture des radiologues.
« L’IA pourrait potentiellement trier les mammographies réalisées dans le sous-groupe et sélectionner les femmes qui pourraient potentiellement bénéficier d’une IRM supplémentaire après une mammographie négative ajoute le Dr van Winkel. L’utilisation de l’IA pour trier les mammographies des populations qui ne sont pas encore éligibles à l’IRM peut améliorer les résultats du dépistage tout en réduisant simultanément les coûts inutiles. »
Des modèles d’IA à affiner afin qu’ils puissent identifier tous les types de cancers
Le Dr Stamatia Destounis, radiologue du sein à l’Elizabeth Wende Breast Care, à Rochester (New York – USA), qui n'est pas affilié à l'étude, a apporté quelques éclairages importants sur ces résultats. « Il s’agit d’une étude rétrospective intéressante qui révèle qu’en utilisant l’IA, un certain pourcentage de cancers non identifiables à la mammographie peuvent être détectés à l’IRM mammaire, annonce-t-elle. Cependant, l’IA ne prédit pas toutes les patientes atteintes de cancer et certains cancers, qu’ils soient visibles sur la mammographie ou non, ne sont pas détectés par leur modèle d’IA.
Aux États-Unis, le sous-groupe de patients considérés comme à risque intermédiaire par les auteurs de l’étude tomberait probablement dans la catégorie à haut risque et il lui serait recommandé de subir une IRM à haut risque, permettant au radiologue d’identifier tous les cancers, même ceux occultes à la mammographie.
Paco Carmine