Recommandations sur le suivi des patientes présentant des antécédents de cancer du sein
LUNDI 31 MARS 2025
Des controverses existent sur le suivi des patientes présentant des antécédents de cancer du sein, dans un contexte de baisse de l’observance. Dans un article publié dans la Revue RadioGraphics, deux chercheuses américaines cherchent à déterminer le bon intervalle entre les dépistages ainsi que le moment d’arrêter de dépister. Elles recommandent notamment une évaluation basée sur le risque personnel et aidé par l’intelligence artificielle.
Il est entendu désormais que les patientes ayant des antécédents personnels de cancer du sein présentent un risque accru de récidive ou de nouveau cancer du sein ultérieur, le risque étant fonction de facteurs tels que la radiothérapie, les sous-types tumoraux et l'utilisation d'agents de réduction du risque comme le tamoxifène.
Controverses sur le suivi des patientes présentant des antécédents de cancer du sein
Les recommandations actuelles en matière de dépistage incluent une mammographie de dépistage, à intervalles divers selon le pays, et les protocoles de dépistage ne sont pas standardisés. Si la mammographie est la modalité d'imagerie privilégiée pour la surveillance du cancer du sein, l'IRM mammaire avec injection de produit de contraste est envisagée en cas d’antécédents, la sensibilité de la mammographie étant diminuée en raison des modifications post-traitement attendues, telles que la distorsion architecturale, l'épaississement cutané et l'œdème. L'échographie du sein et la mammographie avec injection de produit de contraste, peuvent également être pertinentes.
Les progrès de la discipline et les différentes possibilités qu’ils laissent entrevoir ont toutefois fait naître quelques controverses quant aux meilleurs protocoles de surveillance à pratiques sur des patientes présentant des antécédents de cancer du sein. Un article récent élaboré par les Drs Catherine S. Giess et Sona A. Chikarmane, et publié dans la Revue RadioGraphics, se propose de faire le point sur ces protocoles.
Une observance qui tend à la baisse
Le premier problème évoqué dans cet article est la sous-utilisation de l'imagerie de surveillance chez ces patientes, l'observance maximale du dépistage se situant au cours de la première année suivant le diagnostic à environ 83 %. Elle diminue ensuite avec le temps avant de plafonner à 66 % entre la cinquième et la sixième année suivant le diagnostic.
Les chercheuses évoquent ensuite les taux de récidive locale du cancer après mastectomie. Il existe peu de recommandations et d'orientations en matière d'imagerie concernant le moment et la manière de dépister le sein reconstruit. Mais le dépistage des patientes ayant subi une mastectomie (avec ou sans reconstruction) est souvent pratiqué.
Déterminer le bon intervalle entre les dépistages ainsi que le moment d’arrêter de dépister
Mais quels sont, chez ces patientes, les intervalles de dépistage les plus pertinents pour la mammographie et l'IRM de dépistage complémentaire ? Les chercheuses estiment que les patientes présentant un risque élevé de cancer du sein, qui présentant des mutations génétiques ou ont été exposées à une radiothérapie thoracique dans leur jeunesse, alternent souvent dépistage, mammographie et IRM mammaire à intervalles de 6 mois.
De la même manière, il est intéressant de connaître le moment où le dépistage doit s’arrêter. Il est connu que l'âge avancé est un facteur de risque de cancer du sein et que les patientes présentant des antécédents de cancer du sein ont une espérance de vie plus longue grâce aux améliorations thérapeutiques et à la détection plus précoce des cancers du sein ultérieurs. Mais là encore, il n'existe pas de recommandations sur le moment opportun pour arrêter le dépistage chez ces patientes.
La Société internationale d'oncologie gériatrique recommande l'arrêt du dépistage lorsque l'espérance de vie est inférieure à 5 ans. Dans le cas contraire, une prise de décision complexe, prenant en compte de multiples facteurs, est nécessaire pour analyser les risques et les bénéfices du dépistage chez les patientes âgées.
L’indication diagnostique peu cohérente chez les patientes présentant des antécédents de cancer du sein
Les auteurs de l’article s’attardent ensuite sur la comparaison entre les indications diagnostiques et les indications de dépistage pour la mammographie La mammographie de dépistage est destinée aux patientes asymptomatiques alors que la mammographie diagnostique est indiquée dans certains cas, notamment chez les patientes symptomatiques, pour un suivi à court terme, un suivi après un traitement néoadjuvant et un rappel après une mammographie de dépistage systématique. Les patientes présentant des antécédents d'un cancer du sein sont certes asymptomatiques, mais elles présentent un risque accru de développer ultérieurement un cancer du sein.
Dans ce cadre, plusieurs organisations recommandent une mammographie de dépistage annuelle, sans préciser si elle doit être considérée comme une indication de dépistage ou une indication diagnostique. Cette dernière offre l'avantage de mettre à disposition les résultats le jour même, mais quelle est la nécessité de l'imagerie diagnostique chez les patientes présentant des antécédents ?
Une évaluation basée sur le risque personnel et aidéd par l’intelligence artificielle
Les chercheuses se sont concentrés, enfin, sur l'avenir de la surveillance basée sur le risque. Ils estiment que, bien qu'il existe diverses modalités d'imagerie complémentaires pour faciliter la détection des cancers secondaires du sein chez les patientes avec antécédent d'un cancer du sein primaire, il existe un manque de recommandations sur la personnalisation du dépistage du cancer du sein. La surveillance personnalisée basée sur le risque doit prendre en compte les facteurs de risque cliniques tels que le sous-type tumoral, l'âge de la patiente, les traitements antérieurs et la densité mammaire, ainsi que les facteurs de risque socio-économiques.
En conclusion, elles reconnaissent la subsistance de controverses, notamment concernant la surveillance du sein reconstruit, le moment opportun pour arrêter le dépistage et la manière d'améliorer l'observance du dépistage chez ces patientes. Ils estiment que des travaux supplémentaires sont nécessaires pour stratifier le risque des patientes grâce à des évaluations basées sur le risque et à l'utilisation de l'intelligence artificielle.
Paco Carmine