L'IRM-Linac ouvre le champ des possibles en radiothérapie
VENDREDI 28 OCTOBRE 2022
La spécialité de radiothérapie externe a connu, ces dernières années, de nombreuses évolutions technologiques qui ont sensiblement amélioré la prise en charge des patients en oncologie. Les derniers progrès en date concernent l’apparition des modalités de type IRM-Linac. Nous avons rencontré le Pr Olivier Chapet, Chef de Service de Radiothérapie aux Hospices Civils de Lyon (HCL), qui détaille pour nous les avantages de l’IRM embarquée dans un accélérateur de particules pour la pratique de la radiothérapie moderne.

Thema Radiologie : Le Service de radiothérapie des HCL a fait l’acquisition, en juin 2021, d’un IRM-Linac. En quoi cette modalité représente-t-elle une technologie de rupture pour le Service que vous dirigez ?
Pr Olivier Chapet : La radiothérapie a fait l’objet, ces dernières années, de fortes évolutions technologiques avec notamment la radiothérapie stéréotaxique (SRBT), pour gagner en précision, la radiothérapie avec modulation d’intensité (IMRT), pour une adaptation du faisceau de rayons X à la forme de la tumeur à traiter, ou la protonthérapie, qui délivre des protons au lieu des rayons X pour une action maximale à une profondeur donnée. Toutes ces technologies nécessitent une planification du traitement dont la base est l’imagerie par tomodensitométrie. L’IRM-Linac est un accélérateur de particules qui embarque, quant à lui, une IRM que l’on peut utiliser, non seulement lors de la planification, mais aussi tout au long de la séance de traitement.
T.R. : Que vous apporte, en pratique, la présence de l’IRM embarquée dans l’accélérateur de particules ?
Pr O.C. : Tout d’abord, par rapport au scanner, elle n’est pas irradiante, ce qui nous permet de multiplier les acquisitions si besoin au cours de la séance. Ensuite, l’IRM-Linac Unity, que nous utilisons aux HCL et qui génère un champ magnétique de 1,5T, nous permet d’obtenir des images de qualité diagnostique, meilleures en tout cas qu’avec le scanner. Cela représente une avancée significative pour moi qui suis spécialisé dans les cancers uro-génitaux et qui ai besoin de fines images pour bien circonscrire ce type de tumeurs. Il existe une autre modalité de ce type, le ViewRay, dont le champ de l’IRM n’est que de 0,35T, qui rend beaucoup de services mais qui n’apporte pas cette précision d’image.
T.R. : Quelles sont les procédures d’examen classiques dans l’utilisation de l’IRM-Linac ?
Pr O.C. : Chaque séance de traitement commence par une acquisition IRM afin d’évaluer les éventuels changements de position ou de volume de la tumeur à traiter. À partir de cette image de référence, nous adaptions le positionnement du patient, nous réalisons un nouveau calcul de dose à la tumeur, puis vient le temps de l’irradiation, le tout prenant environ 25 minutes. Nous avons la possibilité de faire également de la radiothérapie adaptative en réinitialisant, à partir de l’image de référence, les volumes à traiter, pour une séance de traitement portée à 45 minutes environ. De plus, des innovations technologiques nous permettent de faire du gating, qui consiste à faire des acquisitions IRM durant la radiothérapie pour évaluer en temps réel la position de la tumeur, lorsque le patient respire par exemple. Si elle a bougé, nous pouvons stopper l’irradiation pour préserver les tissus sains. Bientôt, cela se fera automatiquement d’ailleurs. Autre nouveauté qui sera bientôt disponible, la fonction tracking qui permettra au faisceau de suivre la tumeur dans son mouvement.
T.R. : Quelles sont les perspectives d’amélioration de la technique que nous pouvons attendre à moyen terme ?
Pr O.C. : Nous l’avons vu, le tracking sera la prochaine nouveauté et nous fera gagner encore en précision de ciblage du faisceau. Mais les avancées prochaines seront liées aux possibilités de l’IRM, notamment l’IRM fonctionnelle, qui va nous ouvrir le champ des possibles, notamment de pouvoir enfin traiter par radiothérapie des cancers du rein, mais surtout de bénéficier de la radiomique dans notre pratique. Nous aurons la possibilité ainsi d’identifier, avant le traitement, la sensibilité d’une tumeur, sa radiorésistance ou sa réponse au traitement. Il sera possible également d’optimiser la dose, à chaque séance, en fonction de la zone d’hypoxie que l’IRM fonctionnelle nous aura montrée. Nous aboutirons alors à une forme de radiothérapie adaptative radiobiologique ultra-personnalisée. Nous menons actuellement des recherches dans ce domaine qui nous apparaît très prometteur.
T.R. : Quelle est aujourd’hui le nombre d’IRM-Linac installés en France et comment ces nouveaux protocoles sont-ils valorisés par l’Assurance maladie ?
Pr O.C. : Il existe cinq machines de ce type installées à ce jour, auxquelles seront ajoutées bientôt celles de Rennes et de Lille. Je précise que seules les installations des HCL et de Rennes sont de type Elekta Unity et donc équipées d’une IRM 1,5T. Quant à la valorisation des actes, elle est aujourd’hui identique à la radiothérapie classique. Mais il y a une réelle volonté des tutelles de faire évoluer la nomenclature actuelle pour créer des actes spécifiques à l’IRM-Linac. Ce serait vraiment justifié car cette technologie représente une réelle avancée sur le plan scientifique et clinique. Elle ouvre des perspectives énormes pour les patients atteints de cancer, notamment du rein, nous l’avons vu, mais également dans le cas de récidives d’anciens cancers déjà irradiés.
Propos recueillis par Bruno Benque