L'embolisation de l'artère méningée moyenne pour traiter l'hématome sous-dural chronique
VENDREDI 15 MARS 2024
Le traitement de l’hématome sous-dural chronique pourrait se passer d’une intervention chirurgicale crânienne. C’est en substance ce que confirment, dans la Revue Radiographics, des radiologues espagnols qui pratiquent l’embolisation endovasculaire de l’artère méningée moyenne pour stopper l’hémorragie responsable de cette collection.

L'hématome sous-dural chronique (CSDH) est caractérisée par une accumulation anormale de sang et de produits de dégradation du sang entre les couches arachnoïdiennes et dure-mère recouvrant la surface du cerveau. Il est identifié par tomodensitométrie (TDM), qui révèle généralement une masse en forme de croissant avec une légère hypo-atténuation, représentant le sac liquidien de l’hématome entouré de néomembranes.
Gestion de l’hématome sous-dural chronique dans un centre spécialisé espagnol
Un article publié par les radiologues interventionnels de l’Hospital Clinico San Carlos de Madrid dans la Revue Radiographics présente la manière dont cette pathologie est gérée dans cette institution. Les auteurs de l’article remarquent que, traditionnellement, le CSDH est attribué à la rupture des veines de pont lorsqu'elles traversent l'espace sous-arachnoïdien à travers la couche interne de la dure-mère, notamment après un traumatisme, entraînant la formation d'un hématome sous-dural aigu (ASDH), caractérisé par une accumulation nettement hyper-atténuante à la TDM. Au fil du temps, cet hématome subirait une séquence de transformation d’un état aigu à un état subaigu, aboutissant finalement à une manifestation chronique.
L’inflammation chronique comme facteur de développement de l’hématome sous-dural
Mais ils envisagent une nouvelle hypothèse qui distingue la CSDH de l'ASDH, car la théorie de la rupture des veines de pontage comme origine des hématomes sous-duraux devrait, par exemple, provoquer une collection symptomatique en quelques jours, alors qu'il est bien reconnu qu'il faut en moyenne 4 à 7 semaines pour l'apparition des symptômes de CSDH après un traumatisme. Les chercheurs étendent, dans cet article, leur raisonnement à d’autres facteurs discriminants pour la rupture veineuse.
Ils proposent une nouvelle théorie qui place l’inflammation chronique comme facteur crucial dans le développement de la CSDH. Cette hypothèse suggère que l'inflammation déclenchée par divers types de blessures pourrait contribuer au développement de la CSDH, ce qui implique que l'inflammation et le traumatisme jouent un rôle coexistant dans la pathogenèse de l'hématome, argumentant cette affirmation par quelques démonstrations physiologiques.
L’embolisation de l’artère méningée médiane comme nouveau traitement prioritaire
Autrement dit, bien qu'un traumatisme crânien de plus haute intensité ou un trouble de la coagulation soit nécessaire pour que l'ASDH se développe, le CSDH peut également résulter d'un traumatisme léger, entraînant une blessure au sein de la couche cellulaire frontalière du plexus dural. Par conséquent, tous les patients atteints d’ASDH ne sont pas prédisposés à développer une CSDH, et les TDM initiales de la CSDH peuvent sembler normaux.
En tant que première branche ascendante significative de l'artère maxillaire interne, l’artère méningée moyenne (MMA) traverse la cavité crânienne via le foramen spinosum, puis elle subit une nette rotation à angle droit. Ses principales branches sont communément désignées en fonction des territoires qu'elles alimentent, notamment les régions fronto-pariétales et pétro-squamosales, voire des branches pétreuses et caverneuses. Les petits vaisseaux provenant de la MMA traversent la dure-mère et établissent des connexions avec les néovaisseaux sinusoïdaux présents dans la membrane externe du CSDH. Les chercheurs expliquent que la rupture de ces néovaisseaux peut entraîner une hémorragie intermittente au sein de la cavité de l'hématome, exerçant une influence significative sur l'élargissement progressif du CSDH au fil du temps.
Les agents emboliques liquides privilégiés pour cette procédure
Ils s’attachent ensuite à décrire les procédures de traitement de ce CSDH. Après avoir évoqué les gestes chirurgicaux classiques, ils présentent leur expérience dans la procédure d’embolisation de la MMA. Ils reconnaissent qu'il existe une variabilité significative dans les pratiques cliniques entre les établissements, souvent influencée par les préférences individuelles des prestataires.
Dans leur centre, une fois que le microcathéter est dans la MMA proximale, une injection de produit de contraste sélective est réalisée pour créer une carte complète de l’artère et identifier toutes les connexions potentiellement dangereuses. Au cours de ce processus, les plus grandes précautions doivent être prises pour évaluer et sauvegarder les branches et connexions de la MMA, avec une priorité donnée à la navigation distale. L’objectif est d’éviter l’embolisation accidentelle de collatérales dangereuses.
Avec le microcathéter dans la position souhaitée, une dose de 2 mg de lidocaïne est administrée, pour une analgésie de confort du patient et pour une vasodilatation artérielle. Ensuite, le copolymère éthylène-alcool vinylique (EVOH), utilisé comme agent embolique liquide, est soigneusement administré à travers le cathéter pour obstruer les branches de la MMA. L'embolisation réalisée avec des agents emboliques liquides est la technique privilégiée dans ce centre espagnol, par rapport aux particules d'alcool polyvinylique ou aux coils, car elle peut être plus sûre et plus efficace.
Un traitement qui s’applique à différents types de patients et présentant un faible taux de récidive
En post-opératoire, le suivi des patients traités est réalisé selon un protocole de contrôle TDM sans contraste à 1 mois, 3 mois et 6 mois après l'intervention. L'objectif est d'identifier la résolution progressive de l'épaisseur de l'hématome et d’évaluer les signes d'effet de masse (déviation de la ligne médiane et compression du sillon) et la présence ou l'absence de foyers hémorragiques répétés.
Le traitement endovasculaire du CSDH avec embolisation MMA s’avère une option thérapeutique sûre et efficace, présentant un faible taux de complications, chez les patients asymptomatiques, les patients symptomatiques avant et après la chirurgie et les cas de CSDH récurrent. Le taux de récidive post-embolisation est annoncé autour de 4,3%, significativement inférieur à celui observé après une intervention chirurgicale. Les chercheurs reconnaissent cependant que des études multicentriques, prospectives et randomisées sont nécessaires pour confirmer ces résultats.
Bruno Benque avec RadioGraphics