Quel système de paiement pour les prestations d'IA en radiologie ?
LUNDI 08 MARS 2021
Alors que l’Intelligence Artificielle gagne du terrain dans la pratique radiologique, la question du financement se pose. Un Rapport publié dans la Revue Radiology explique comment les barèmes actuels de valorisation de l’IA ne sont pas très pertinents aux USA. Les chercheurs voient poindre de nouvelles approches basées sur l’amélioration de la qualité sans surcoût qui permettraient de donner de la valeur aux processus d’IA.

Le développement de l'intelligence artificielle (IA) en radiologie a été beaucoup plus rapide que dans d'autres spécialités des soins de santé. Au début de l’année 2020, la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis avait validé 21 dispositifs médicaux et algorithmes liés à la radiologie, ce qui représentait environ 72% de tous les processus d’Intelligence Artificielle (IA) de soins de Santé qu’elle avait approuvés.
Un système de remboursement de l’IA très complexe proposé aux USA
Se pose désormais la question du financement de ces nouveaux usages et de l’origine de ces prises en charge. Un Rapport élaboré par les Drs Melissa M. Chen, Lauren Parks Golding et Gregory N. Nicola et publié dans la Revue Radiology : Artificial Intelligence s’est penché sur la problématique. Au cours de l'année 2020, le remboursement de l'IA a été approuvé par les Centers for Medicare & Medicaid Services (CMS) via deux modes de paiement différents : le barème des honoraires des médecins de Medicare (MFPS) et le système de paiement prospectif des patients hospitalisés (IPPS). Mais les choses ne sont pas si simples.
Aux MFPS et IPPS s’ajoutent les paiements des services ambulatoires des hôpitaux par le biais du système de paiement prospectif des patients hospitalisés (HOPPS). Et le CMS a récemment proposé une nouvelle voie de couverture qui dépend de l'autorisation de mise sur le marché de la FDA pour les dispositifs révolutionnaires appelés Medicare Coverage of Innovative Technology (MCIT). Et c’est l’outil Current Procedure Terminology (CPT), géré par l'American Medical Association (AMA), qui fait figure, dans cet article, de base de l'un des modèles de paiement de l’IA.
Une catégorie de remboursement pour les nouvelles technologies de Santé
Pour le MCIT, qui permet de payer Medicare pour toute technologie que la FDA a considérée comme un dispositif révolutionnaire - c’est-à-dire permettant un traitement ou un diagnostic plus efficace d'une maladie ou d'une affection humaine potentiellement mortelle ou irréversiblement débilitante et devant offrir une option de traitement qu'aucune autre alternative autorisée ou approuvée n'existe -, la couverture de paiement durerait 4 ans. Les détails de ce système de paiement n'ont pas été finalisés et le CMS a sollicité des commentaires à propos de ces solutions.
Toutefois, en septembre 2020, le CMS a accordé le remboursement de ContactCT (viz.ai), un logiciel de triage basé sur l'IA dans les cas d'occlusion des gros vaisseaux (OGV) via la voie de paiement des nouvelles technologies (NTAP), un paiement supplémentaire de l’IPPS que l’on pourrait apparenter en France à la « Liste en sus ». Dans le cadre de l'IPPS, le NTAP a été créé pour encourager l'adoption de technologies innovantes en remboursant aux hôpitaux une partie du coût des nouveaux services de soins de santé coûteux qui peuvent ne pas être pris en compte dans le remboursement de base. Depuis l’annonce du statut NTAP de Viz.ai dans la règle finale IPPS, d’autres développeurs de logiciels d’intelligence artificielle pour l’OGV tels que RapidAI, AIdoc et Avicenna ont obtenu le statut NTAP par le CMS.
Un catalogue d’actes difficilement maîtrisable
Bien que le succès de Viz.ai avec le NTAP puisse faire entrevoir le potentiel de remboursement de l'IA par le CMS, l'enthousiasme doit être tempéré. Ce paiement n'est disponible que pendant 3 ans et il est difficile de savoir comment le CMS effectuerait des ajustements du barème de base pour la nouvelle technologie. D’autant qu’historiquement, le CMS a réduit le remboursement du NTAP après l'année initiale. Les chercheurs donnent l’exemple du NTAP pour la FFR-CT de Heartflow. Au départ, le paiement maximal du NTAP était fixé à 1 450 $ et l'année suivante, le CMS l’a baissé à 950 $. En outre, le NTAP global s’est toujours avéré inférieur à ce qui est estimé au départ.
Mais récemment, dans la règle finale IPPS 2020, le CMS a tenté de donner une impulsion à l'adoption de l'IA dans les soins de santé en révisant le NTAP de 50% du coût de la technologie à 65% du coût de la technologie. Pour évaluer le barème à attribuer aux honoraires du médecin, le CMS se base sur le travail du médecin, mesuré en temps et en intensité, et les dépenses de pratique (DP) directes, qui comprend, en radiologie, le coût des équipements tels que les matériels lourds, les produits de contraste et les injecteurs, ainsi que les ressources en personnel clinique, manipulateurs et infirmiers, et les DP indirectes, qui se rapportent à des dépenses telles que l'administration, le loyer et d'autres formes de frais généraux qui ne peuvent être attribuées à aucun service spécifique.
De nouveaux barèmes basés sur la qualité pour laquelle l’IA apporterait de la valeur
Quant à l’IA, les chercheurs remarquent que la structure actuelle du barème des honoraires des médecins et la méthodologie d'évaluation des DP ne peuvent pas saisir pertinemment sa valeur. Le CMS a également reconnu les limites de son système en 2021, en déclarant que « les applications d'IA ne sont pas bien prises en compte dans notre méthodologie DP ». L'IA qui augmente le travail des médecins, comme dans le cas de la plupart des algorithmes d'IA d'imagerie, ne sera probablement pas considérée comme un code CPT séparé, mais simplement considérée comme faisant partie du travail normal au sein d'une procédure.
Alors que les soins de santé évoluent vers des paiements basés sur la valeur, où la valeur est définie par l'amélioration de la qualité tout en maintenant les coûts, l'IA devient un outil précieux pour les radiologues. Aux USA, le système Merit Incentive Payment System (MIPS) note les médecins selon le coût, la qualité, l'interopérabilité et les activités d'amélioration et reste la voie prédominante pour le remboursement des radiologues. Et c’est la catégorie Qualité qui reste la plus significative des performances pour eux. À court terme, l’IA, qui pourrait automatiser l'extraction des mesures de qualité dans un compte rendu d'imagerie, permettrait d’améliorer les performances du radiologue en matière de MIPS en renforçant les bonus de paiements. Dans ce scénario, les radiologues devraient être prêts à payer pour l'IA, car elle apporte de la valeur à leur pratique.
À long terme, des modèles de paiement alternatifs pourraient être l'avenir des radiologues car ils visent à améliorer la santé d'une population et obligent les médecins à prendre des risques financiers. Les outils d'IA qui peuvent réduire les coûts et améliorer la santé globale des patients seraient précieux pour les systèmes de santé ou les payeurs, mais également pour assoir une médecine préventive, voire prédictive sur la base d'examens d'imagerie.
Bruno Benque avec RSNA