Une vision sombre des grands congrès scientifiques de l'après COVID
MARDI 21 AVRIL 2020
Alors que les contraintes sociales liées au déconfinement sont en train d’être étudiées, l’avenir des grands congrès scientifiques comme le RNA, l’ECR ou les JFR semble compromis, du moins sous la forme qu’on leur connaît. C’est en substance ce qu’annonce le Pr Ronald G.Evens dans un éditorial paru dans la Revue Radiology.

Dans un éditorial paru dans la Revue Radiology, le Pr Ronald G. Evens tente de faire de la prospective sur l’état du monde après que le COVID-19 se sera fortement atténué, voire aura disparu, et quel impact celui-ci aura sur les différents congrès de radiologie prévus à cette période.
Des annulations de congrès scientifiques en cascade
Il est difficile aujourd’hui, annonce-t-il, de prédire l'état de la santé individuelle et publique qui prévaudra alors, ainsi que celui de l'économie mondiale pour la fin d’année 2020. Cependant, les recommandations de sécurité pour la santé publique et personnelle, ainsi que l'ampleur de la reprise économique seront clairement les principaux déterminants des conséquences des grands rassemblements scientifiques. L'impact à court terme du COVID-19 est déjà apparent, car les organisations ont annulé pratiquement chaque réunion nationale et internationale pour le printemps et l'été. De nombreux congrès ont été annulés pour la première fois de leur histoire, alors même que la plupart des participants avaient également payé des frais d'inscription et de voyage. Le calendrier de l'annulation ou de la reprise des événements futurs reste incertain. Le Pr Evens évoque ainsi l’annulation de nombreux rassemblements organisés par l'Université de Washington.
Des vidéoconférences à la place des congrès scientifiques
Il tente, à partir de ce constat, de considérer les enjeux liés aux objectifs des congrès scientifiques à long terme. Sur le plan de la formation et de la recherche, et s’appuyant sur des exemples d’alternatives à l’enseignement dans les universités, il promeut les cours en ligne, qui réduisent les risques de contagion et sont beaucoup moins cher, avec notamment des réductions des frais de scolarité et autres dépenses (logement, voyage, etc.). Il imagine dès lors que ces nouveaux concepts auront un impact sur les congrès scientifiques, avançant la probabilité qu'il y aura moins de participants, moins d’événements en présentiel et probablement moins de sociétés savantes. Il voit ainsi se développer la vidéoconférence qui, selon certains, produit des discussions plus courtes, mais plus efficaces et plus ciblées.
Le développement des compétences et des carrières en question
Concernant le développement des compétences personnelles, il considère que les petits événements ou programmes dans les universités sont plus adaptés que les grands rassemblements. Le développement de carrière, quant à lui, présente un problème plus compliqué. Le Pr Evens pense que les grands congrès nationaux sont pertinents seulement pour un petit nombre de radiologues. Si les restrictions de rassemblement continuent, il prévoit que les grandes sociétés savantes peuvent être en mesure de planifier des réunions satellites plus petites pour aider les professionnels à travailler sur des compétences spécifiques ou à créer des réseaux pour le développement de leur carrière.
Quel avenir pour les expositions techniques ?
Le changement risque cependant de concerner avec plus d’acuité les industriels du secteur pour les grandes réunions nationales et internationales. Le Pr Evens prédit une forte réduction des expositions techniques, voire, ce qui semble incroyable, leur disparition, du moins dans les rassemblements peu importants.
Mais que dire des interactions entre pairs lors des congrès qui sont des lieux de rencontres, fortuites ou organisées, avec de nouveaux confrères qui peuvent devenir de précieux collaborateurs, ou mentors ? Bien que très appréciées des participants, elles sont difficiles à évaluer. « Les relations avec certains de mes meilleurs amis et confrères ont commencé lors d'une grande réunion scientifique, dit-il. La réunion annuelle des anciens de l'Institut Mallinckrodt au RSNA est l'un des moments forts de mon année ». À cet égard, la vidéoconférence ne peut pas apporter cette plus-value.
Une vision clairement pessimiste et à laquelle il est difficile d'adhérer
L'optimiste prédit que le monde sera de retour à la normale dans quelques semaines ou quelques mois, qu'un vaccin et un traitement efficaces seront bientôt développés et que l'économie retrouvera un taux de croissance positif peu de temps après. Mais le Pr Evens ne le voit pas ainsi. Il pense au contraire qu’elle restera une menace qui obligera à prendre des décisions difficiles quant aux règles actuelles de conduite personnelle et professionnelle, que la fréquentation des congrès diminuera probablement sous l’effet de formations en ligne, d’une réévaluation forcée du rapport valeur/coût de la participation à un congrès national pendant plusieurs jours, de l'impact dramatique du ralentissement économique et de la lente reprise attendue des établissements de Santé, universités, centres d'imagerie et professionnels de l'imagerie clinique ou de la recherche en imagerie.
Si le retour à la normale semble effectivement optimiste, la vision du Pr Evens semble, quant à elle, des plus sombres et il est difficile de s’y projeter pleinement. Elle élabore en effet des scenarios somme toute définitifs alors qu’il est plus plausible d’envisager une évolution plus nuancée. L’avenir proche nous apportera des répoinses…
Le Pr Ronald G. Evens est professeur émérite de radiologie au Mallinckrodt Institute of Radiology de la Washington University School of Medicine à St. Louis (Missouri). Il a obtenu son diplôme de médecine dans cette Université en 1964. En 1971, il a été nommé directeur du Mallinckrodt Institute of Radiology, et ce pendant 28 ans, faisant de cette structure l'un des départements de radiologie les plus renommés au monde. Il a été Président du St. Louis Children’s Hospital de 1985 à 1988 et du Barnes-Jewish Hospital de 1999 à 2005. Il a contribué à la littérature radiologique en écrivant plus de 250 articles et livres et a été Président de plusieurs organismes de radiologie réputés.
Bruno Benque avec RSNA