Tout sur les pratiques radiologiques d'avenir au Symposium MDCT 2020
MARDI 17 DéCEMBRE 2019
Le Pr Alain Blum, co-organisateur du XIème Symposium Scanner volumique (MDCT), nous a octroyé quelques minutes dans son agenda pour nous parler de cet événement qui se tiendra les 7 et 8 février 2020 à Nancy. Il y sera question des applications de l’intelligence artificielle, d’imagerie interventionnelle et des PIMM notamment. Sans oublier les matches entre radiologues.

Thema Radiologie : Le symposium Scanner volumique (MDCT) fêtera sa neuvième édition en février 2020. Comment s’annonce l’organisation de cet événement et qu’en attendez-vous ?
Pr Alain Blum : Il s’annonce sous les meilleurs auspices, avec des orateurs internationaux de renom qui ont une nouvelle fois fait preuve de disponibilité, un niveau d’inscriptions à la hausse et des industriels qui ont répondu présent. J’attends de cette session qu’elle apporte des enseignements à l’auditoire, mais aussi qu’elle aide à anticiper les nouvelles pratiques. Sur le champ de l’intelligence artificielle par exemple, les industriels communiqueront sur ce qu’il est possible de faire aujourd’hui réellement. On insiste pour que le discours soit moins conceptuel que d’habitude lors des congrès et de rentrer dans le vif du sujet pour des applications au quotidien.
« L’intelligence artificielle sera particulièrement utile pour maîtriser les flux »
T.R : La première journée du Symposium sera justement entièrement consacrée à l’IA. Celle-ci n’est-elle pas trop présente se nos jours dans le domaine de l’imagerie médicale ?
Pr A.B. : Elle est en effet très présente dans les communiqués, dans la presse, dans les congrès, mais dans la réalité des pratiques, elle est peu présente. Elle peine à s’imposer dans la vraie vie car les outils d’IA sont mono-tâches qui ne couvrent pas les besoins. Les tâches d’ordre interprétatif sont nécessaires, mais les applications organisationnelles seront les plus utiles à moyen terme. Elles couvrent notamment, avec des algorithmes DLR de reconstruction, l’amélioration de la qualité des images au scanner, comme en IRM d’ailleurs, ainsi que l’analyse des organisations et des pratiques.
T.R : En quoi l’IA peut-elle améliorer les organisations et les pratiques ?
Pr A.B. : Les nouveaux algorithmes dédiés à l’organisation seront particulièrement utiles pour améliorer le système de Santé. Par exemple, dans un service d’urgences, les différents maillons de la chaîne que sont les urgentistes, les brancardiers, les acteurs de la biologie, les disponibilités du scanner, les antécédents du patient à récupérer génèrent des flux ralentis, des examens non pertinents, des irradiations inutiles, etc. On est ici dans la pertinence des actes et dans la gestion de flux. Si les urgences sont si exsangues aujourd’hui, c’est dû au déficit d’organisation et à la maîtrise des flux d’informations dans un contexte d’augmentation du nombre de passages dans ces unités.
« La formation des internes doit être adaptée à l’évolution de l’imagerie interventionnelle »
T.R : Dans ce contexte, que pensez-vous du protocole de coopération permettant aux infirmiers des urgences de réaliser certaines demandes d’examens d’imagerie ?
Pr A.B. : Mais c’est déjà le cas dans certaines structures ! Le niveau de désorganisation est tel que de telles pratiques apparaissent. L’infirmière fait la demande de scanner, l’examen est réalisé et, dans un troisième temps, le médecin fait l’examen clinique ce qui provoque souvent une demande d’examens complémentaires, ce qui ajoute au désordre ambiant ! Pour résumer, si un patient a une symptomatologie qui évolue depuis six mois ou depuis une heure, peu importe, du moment que le scanner est fait. On ne fait plus de la médecine mais de la gestion de flux. L’IA aura dans ce cadre, c’est certain, un rôle primordial à jouer dans un futur proche.
T.R : Pour revenir au Symposium, une séance de DPC consacrée à l’imagerie interventionnelle sera organisée le matin du deuxième jour. Quels seront les thèmes phares de cette session ?
Pr A.B. : Nous assistons aujourd’hui à une extension du champ de l’imagerie interventionelle et, par conséquent, à une évolution des pratiques dans les techniques de guidage ce qui donne beaucoup d’audace dans le traitement e certaines pathologies. On voir apparaitre, par exemple, des outils de robotique et d’IA qui permettront, à court terme de réaliser des procédures à distance, ce qui modifiera certainement le positionnement du radiologue dans la salle interventionnelle. Dans notre unité du CHU de Nancy, l’interventionnel occupe près de 50% de notre activité, ce qui pose la question de la formation des internes aujourd’hui. Je ne suis pas sûr que l’internat soit adapté aux futures pratiques. On a récemment ajouté une année d’internat pour ces pratiques, mais dans un nombre très limité car les besoins ne sont pas évalués de façon pertinente.
« Les PIMM et la téléradiologie sont deux notions complémentaires »
T.R : Quelles seront les autres thématiques abordées lors du Symposium ?
Pr A.B. : L’après-midi du deuxième jour sera consacré aux Plateaux d’Imagerie Médicale Mutualisés (PIMM). Il s’agit d’un thème d’actualité majeur car beaucoup de postes de radiologues sont vacants dans les hôpitaux périphériques et même dans les CHU. Le développement des PIMM, qui mixent les activités publiques et privées, où les médecins hospitaliers pourraient avoir une rémunération liée à l’activité, est un vrai sujet qui pourrait changer l’organisation de la prise en charge radiologique en France, notamment la façon dont les jeunes praticiens vont s’installer dans un futur proche. Nous aurons d’ailleurs un plateau très complet pour en parler, des médecins publics et privés, un représentant de l’ARS, ainsi que Maître Houdart, un avocat spécialiste de ces questions.
T.R : Les PIMM et les organisations de téléradiologie seront-ils concurrents dans ce changement d’organisation ?
Pr A.B. : Ils sont clairement complémentaires. L’objectif des PIMM est tout d’abord de lutter contre les praticiens intérimaires trop chers pour les structures publiques, contre les plateformes de télédiagnostic qui ne donnent pas forcément satisfaction. Ils ont également un rôle primordial pour la réalisation d’actes pour lesquels la présence du radiologue est obligatoire.
T.R : Pour finir, et parce que l’on ne change pas une formule qui a fait ses preuves, vous allez reconduire les matches entre praticiens sur des sujets ciblés, comme lors des sessions précédentes. Pourquoi ces moments sont-ils si appréciés ?
Pr A.B. : Je crois que, comme dans un match de boxe, l’attrait pour ces controverses vient du fait que leur résultat est imprévisible. Certains sujets débattus s’annoncent comme neutres, voire ennuyeux, et ce sont ceux qui s’avèrent les plus intéressants, par la personnalité des orateurs ou par les arguments scientifiques ou technologiques qui sont développés. Ce qui est sûr, c’est que l’on va les chauffer à blanc, comme d’habitude, et que les arbitres seront évidemment partiaux et auront pour mission de déstabiliser les orateurs ! Sans oublier le caricaturiste qui se moquera gentiment de ces derniers.
J’espère que les participants ce symposium apprécieront notre démarche et qu’ils en repartiront plein d’idées pour leurs pratiques futures. En tout cas, Marc Zins et moi-même nous nous sommes fait plaisir en l’organisant. Rendez-vous les 7 et 8 février 2020 Au Centre de congrès Prouvé à Nancy !
Propos recueillis par Bruno Benque