Pratiques thérapeutiques endovasculaires: l'union fait la force !
MARDI 17 MAI 2016
A l'occasion du Surgical & radiological endovascular symposium (SRES), qui s'est tenu les 12 et 13 mai 2016 à Marseille, nous avons rencontré le Pr Philippe Piquet, co-organisateur de l'événement avec le Pr Jean-Michel Bartoli, pour évoquer les progrès de la radiologie interventionnelle et les initiatives pluridisciplinaires visant à améliorer la prise en charge des maladies cardiovasculaires.

Thema Radiologie: Pr Piquet, pouvez-vous présenter votre activité ?
Pr Philippe Piquet: Je suis Pofesseur de chirurgie vasculaire, chef de service à l'hôpital de la Timone à Marseille et chef du pôle cardiovasculaire-thoracique de l'AP-HM. Je travaille dans la chirurgie vasculaire classique et endo-vasculaire, avec un certain tropisme pour les radiologues puisque je collabore de façon très étroite depuis le début de ma carière avec le Pr Jean-Michel Bartoli. J'ai, en outre, eu des responsabilités au sein de la Société Française de Chirurgie Thoracique et Vasculaire.
T.R.: Comment se concrétise aujourd'hui votre implication dans la collaboration entre les chirurgiens vasculaires et les cardiologues ?
Pr P.P.: Je travaille depuis quelques années sur la création et le développement d'un projet de centre pour la prise en charge pluridisciplinaire des maladies aortiques, le Centre Aorte Timone. Ce projet est aujourd'hui bien avancé, avec un lieu géographique défini et un site internet notamment. Il a la vocation à agir sur la formation des praticiens et la recherche dans ce domaine et de mutualiser les compétences, l'aorte pouvant intéresser de nombreuses spécialités. Du coup, l'équipe pluridisciplinaire comprend évidemment les radiologues et chirurgiens vasculaires, mais aussi des chirurgiens cardiaques, des cardiologues, des internistes, des pédiatres et chirurgiens pédiatres, et des généticiens puisque les maladies du tissu élastique, susceptibles donc de toucher l'aorte, peuvent être congénitales.
"Nous avons créé les premières RCP de pathologie aortique"
T.R.: Comment coordonnez-vous toutes ces spécialités au sein du centre aorto Timone ?
Pr P.P.: Nous organisons, sous l'égide de la coordinatrice, le Dr Laurence Bal, des Réunions de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) de pathologie aortique, les premières du genre, afin d'établir des prises en charge personnalisées pour des cas difficiles en réunissant toutes les compétences nécessaires. Ce type d'organisation, qui couvre un périmètre régional mais a désormais une renommée internationale, n'existe pour l'instant qu'à Marseille mais nous espérons que cet exemple sera bientôt suivi dans d'autres régions pour faire avancer la recherche pour ce type de prise en charge.
T.R.: Vous co-présidez le Surgical & Radiological Endovascular Symposium (SRES) qui se déroule chaque année à Marseille. Depuis quand existe-t-il ?
Pr P.P.: Nous avons créé le SRES, avec le Pr Jean-Michel Bartoli, en l'an 2000 et c'est la 17ème édition aujourd'hui. Nous l'organisions aux Caraïbes à l'origine, avec la participation de praticiens nord-américains de renom comme les immenses Prs Mickaël Dake et Michel Makaroun, qui nous sont restés fidèles et sont encore présents cette année à Marseille. L'assistance est composée de chirurgiens et de radiologues à part plus ou moins égale selon les années, avec des présentations réalisées par des représentants des deux spécialités. Nous avons un objectif, désormais, d'ouvrir ce congrès à l'Europe.
"Les salles hybrides sont les meilleurs exemples de coopération multidisciplinaire entre radiologues et chirurgiens vasculaires"
T.R.: Les juniors sont bien représentés également ?
Pr P.P.: Ce sont effectivement les plus nombreux. Nous avons à coeur de les intéresser, de les faire participer, de les faire progresser et de les initier à cette collaboration chirurgien-radiologue qui est pour nous très importante.
T.R.: On connait l'apport de l'imagerie pour les pratiques chirurgicales ces dernières années. Comment les chirurgiens font-ils avancer les pratiques des radiologues ?
Pr P.P.: Les chirurgiens apportent leurs idées et solutions pour la prise en charge des patients, apportent leur contribution aux traitements hybrides, par exemple lors d'exérèses après ambolisation ou de débranchements chirurgicaux lors deprocédures radiologiques interventionnelles. La meilleure illustration est le développement des salles hybrides - multimodales comme le dirait Jean-Michel bartoli - qui ne fonctionneraient pas sans la pésence des deux spécialités.
T.R.: Le Pr Fabien Thauveau (Strasbourg) a présenté ajourd'hui - 12 mai 2016 - une comparaison entre les chirurgies vasculaires endoscopique et robotique. Cette dernière peut-elle, à terme, révolutionner la spécialité ?
Pr P.P.: Les progrès sont tellement rapides que l'on ne peut pas prévoir les évolutions à moyen terme des différentes innovations. Pour le sujet qui nous concerne, les techniques endovasculaires, qui apportent du confort aux praticiens autant qu'aux patients et sont portées par l'industrie, sont en train de se développer au détriment des techniques dites "open". La robotique peut, à terme, apporter un plus indéniable à la chirurgie "open".
"Je ne vois malheureusement pas de diminution des facteurs de risques chez les sujets jeunes"
T.R.: La prévention des maladies cardiovasculaires fait l'objet de campagnes récurentes de la part des tutelles. Avez-vous identifié des progrès quant à l'hygiène de vie de vos patients ces dernières années ?
Pr P.P.: Sincèrement, je ne vois pas d'évolution sur le plan des facteurs de risques des maladies cardiovasculaires, surtout chez les jeunes. Le diabète ou l'obésité, par exemple, continuent d'augmenter, il y a de plus en plus de jeunes fumeurs, et surtout de jeunes fumeuses. On a effectivement un rôle dans la prévention mais on n'a pas l'impression que les choses évoluent sur ce plan. Je vois maintenant des patients plus jeunes que moi et qui ont des facteurs de risques supérieurs aux miens, c'est un peu inquiétant.
T.R.: Les techniques thérapeutiques endovasculaires sont aujourd'hui très confortables pour les patients. Du coup, ils semblent moins enclins à changer leur hygiène de vie. N'est-ce pas un frein à la prévention ?
Pr P.P.: Non je ne pense pas que les patients raisonnent comme ça. Les professionnels doivent surtout faire attention de ne pas poposer la technique la moins invasive prace qu'elle est la moins invasive. Il faut que la technique thérapeutique utilisée soit la mieux adaptée à la pathologie et non pas celle qui soit la mieux supportée par le patient. C'est une mauvaise approche qui est malheureusement très répandue et il est très important de ne pas céder à cette facilité.
Bruno Benque