Applications de l'IA à l'imagerie médicale : la France est-elle déjà en retard ?
MARDI 09 FéVRIER 2021
Alors que DRIM France IA avait suscité de gros espoirs il y a deux ans, il semble que les projets relatifs à l’IA appliquée à l’imagerie médicale prennent du retard sur la concurrence étrangère. Pourtant, les radiologues français sont volontaires et imaginatifs, comme les consortiums industriels tels AI DReAM et autres.

Comment se comporte l’écosystème radiologique français, sur le champ des projets d’intelligence artificielle à grande échelle, en ce début 2021 ?
Les radiologues français misent dans un premier temps sur le Proof of concept
Les initiatives de ce type sont légions à l’étranger, notamment aux USA ou en Chine, mais où en est-on en France ? On sait que le Conseil National de la Radiologie (G4) a lancé, en octobre 2018, son grand projet de mutualisation de quelques 500 millions de dossiers d’imagerie médicale, DRIM France IA. Les radiologues français hésitent encore entre faire de cette plateforme un dossier radiologique complet ou un organisme de régulation des algorithmes utilisés en imagerie médicale.
Ils ont toutefois mis à profit cet énorme volume de données en adoptant, dans un premier temps, une approche « PoCs » (Proof of Concept) en créant des projets ciblés et en suivant leurs évolutions. Parmi ceux-ci, citons le « POc dose », qui a pour objet de constituer une base centralisée d’analyse des doses de rayonnements ionisants délivrées aux patients lors des actes d’imagerie diagnostiques et thérapeutiques et pourrait aboutir à un « DACS3 national » avec création d’un passeport patient, le « PoC COVID », dont nous avons déjà parlé dans nos colonnes à travers le projet FIDAC (French Imaging Database Against Coronavirus), ou le « PoC Radiologie Interventionnelle Oncologique » pour la mise en place d’une base nationale pour les centres qui effectuent des actes de destructions tumorales.
Un consortium pluridisciplinaire met à disposition un entrepôt de données
Mais cette plateforme n’est pas la seule à avoir vu le jour sur le champ de l’IA. Plusieurs industriels ont initié des projets plus ou moins aboutis ou en gestation. Lors d’une récente visioconférence, le Consortium pluridisciplinaire AI DReAM nous a été présenté. Il réunit des sites cliniques, des centres de recherche, des PME et des start-ups avec pour fers de lance GE Healthcare et Medicen Paris Région. L’objectif de ce projet est de mettre à disposition de toutes les parties en présence un grand entrepôt de données afin de créer de l’innovation sur le thème de l’IA.
Durant cette visioconférence, le Pr Valérie Vilgrain (Hôpital Beaujon, AP-HP) a donné un exemple d’usage possible d’une telle plateforme. Elle a évoqué en effet l’hépatocarcinome, qui ne peut être traité de manière efficiente que s’il est dépisté à un stade précoce. Elle a fait remarquer qu’un processus de détection de cette pathologie pourrait avoir un rôle de premier plan dans ce cadre, sachant qu’elle touche 900 000 personnes dans le monde, un chiffre qui pourrait monter jusqu’à 1,4M. Elle a rappelé d’autre part les apports que pourrait fournir une telle plateforme pour faciliter les échanges lors des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP).
L’écosystème radiologique français, bien que volontaire et imaginatif, semble tarder à atteindre un rythme de croisière pour industrialiser les applications de l’IA en imagerie médicale. La faute aux freins que l’on impute souvent à la bureaucratie à la française ? Le Docteur Jean-Philippe Masson (FNMR) le laissait entendre dans un éditorial d’octobre 2020, faisant le constat du retard pris sur les projets étrangers alors que DRIM France IA avait suscité beaucoup d’espoirs il y a deux ans. Espérons que les mesures gouvernementales récentes – Ségur de la Santé, Plan d’investissement d’avenir, Ma Santé 2022, Health Data Hub, etc. - permettront aux acteurs de la radiologie française de prendre enfin leur envol…
Bruno Benque