Dépistage du cancer du poumon en France : la HAS entrouvre la porte !
MERCREDI 02 FéVRIER 2022
Alors qu’elle est en retard sur ses voisins européens dans la prévention du cancer du poumon, la France pourrait bientôt s’engager dans des campagnes de dépistage par scanner low-dose. C’est en tout cas ce que laisse entendre la HAS qui envisage de mettre en place une expérimentation sur le territoire. La communauté radiologique est sur les starting-blocks.

Mieux vaut tard que jamais, les organismes de tutelle sont en train de faire évoluer leur point de vue sur la mise en place prochaine du dépistage du cancer du poumon sur le territoire français.
Les sociétés savantes européennes mobilisées pour le dépistage du cancer du poumon
Toutes les études scientifiques l’affirment, la prise en charge précoce de cette pathologie, qui est l’une des plus meurtrières en France, améliore très significativement le pronostic de guérison. Et le bras armé de ce type de dépistage est le scanner pulmonaire low dose. Le travail de recherche de référence sur le sujet est bien entendu l’essai NELSON, qui a inclus plus de 15 000 fumeurs et anciens fumeurs néerlandais et belges.
Mais les sociétés savantes européennes ont pris le problème à bras le corps en créant le Lung Cancer Screening Certification Project (LCSCP), une procédure qualité synthétisant les différents critères d’une bonne campagne de dépistage du cancer du poumon. Aux USA enfin, qui travaillent sur le sujet depuis les années 1990 et ont amorcé les premières recherches en utilisant le scanner low-dose en 2011 avec l’Essai National Lung Screening Trial (NLST), le dépistage bat son plein et de nouveaux critères d’éligibilité viennent d’être annoncés.
En France, malheureusement, les autorités sanitaires font, depuis plusieurs années, la sourde oreille à cette procédure de prévention. Déjà, en mai 2016, la Haute Autorité de Santé (HAS) avait donné un avis défavorable, arguant qu’elle était source de faux-positifs et de cancers radio-induits. Plus près de nous, l’Académie de Médecine, dans un rapport du 26 janvier 2021, se montrait elle aussi peu convaincue par le dépistage par scanner low-dose, jugeant peu pertinents les résultats du NLST et de NELSON.
La HAS envisage une expérimentation sur le territoire français
Mais voilà que la HAS, dans un communiqué du 1er février 2022, annonce une évolution dans sa réflexion, en donnant un avis favorable à des expérimentations relatives au dépistage du cancer du poumon sur le territoire français. S’appuyant sur des résultats scientifiques récents, elle préconise que l’INCA engage un programme pilote et soutienne la mise en place des études complémentaires sur la base de ses recommandations. Elle attend des réponses, encore manquantes et indispensables selon elle, à la mise en place d’un programme de dépistage organisé efficace et sûr.
La HAS recommande notamment que la population cible (critères d’éligibilité de la population exposée à un risque élevé de cancer broncho-pulmonaire, quantification du tabagisme chez les fumeurs ou ex-fumeurs par sexe et du tabagisme passif si identifiable) soit identifiée et que la procédure de dépistage, en termes de modalités et algorithme (durée, fréquence du dépistage, combinaison avec un sevrage tabagique, définition/stratégie de gestion des nodules pulmonaires suspects,) soit élaborée.
La communauté radiologique sur les starting-blocks
Voilà qui devrait réjouir de nombreux acteurs qui attendent depuis longtemps que les organismes de tutelle sortent de leur conservatisme cocardien et s’engagent dans une démarche préventive dont la pertinence a été prouvée par nos voisins européens. À commencer par le collectif « Ensemble, nous poumons », qui rassemble un groupe pluridisciplinaire de d’oncologues, de radiothérapeutes, de pneumologues, de chirurgiens thoraciques, de radiologues, de médecins généralistes et d’associations de patients qui ont lancé, en novembre 2021, une campagne de sensibilisation des professionnels de Santé et du grand public.
La communauté radiologique également, qui promeut ce dépistage depuis fort longtemps également, devrait accueillir cette nouvelle avec satisfaction, persuadée qu’elle profiter aux patients. La Fédération Nationale des Médecins Radiologues (FNMR), qui est en première ligne sur ce thème et milite, par la voix de son Président de Dr Jean-Philippe Masson, pour qu’enfin une campagne de dépistage ce type voie le jour, doit se réjouir de ce revirement provenant de la HAS. Les radiologues libéraux se placent parmi les premiers acteurs à mettre à disposition leurs installations dans ce cadre. Encore faudra-t-il, lorsque le moment de la campagne sera venu et que les flux de patients augmenteront dans les centres de radiologie, qu’il y ait assez de manipulateurs d’électroradiologie médicale pour faire tourner les machines…
Bruno Benque