IA et Big Data : intégrer la durabilité parmi les critères de qualité en imagerie
MERCREDI 28 FéVRIER 2024
Alors que l’intelligence artificielle (IA) est de plus en plus utilisée en radiologie, une étude publiée dans la Revue Radiology évalue les inconvénients écologiques du stockage des datas et de l’utilisation de l’IA. Les chercheurs pensent qu’il est essentiel de prendre en compte l’impact environnemental des outils d’IA, et d’intégrer la durabilité parmi les critères de qualité en imagerie médicale.

Nous le rappelons régulièrement dans nos colonnes, les soins de santé et l’imagerie médicale contribuent de manière significative aux émissions de gaz à effet de serre (GES). Dans ce contexte, les outils d'IA peuvent améliorer à la fois la pratique et la durabilité de la radiologie grâce à des protocoles d'imagerie optimisés entraînant des temps d'examens plus courts, une efficacité de planification améliorée pour réduire les déplacements des patients et l'intégration d'outils d'aide à la décision pour réduire l'imagerie de faible valeur.
Stockage des datas de Santé et outils d’IA, les mauvais élèves du développement durable
Mais l’utilisation de l’IA présente tout de même un inconvénient. « L'imagerie médicale génère beaucoup d'émissions de GES, mais nous ne pensons souvent pas à l'impact environnemental du stockage de données associé et des outils d'IA, rappelle le Pr Kate Hanneman, vice-présidente de la recherche et professeure agrégée à l'Université de Toronto, responsable adjoint du développement durable au Département d'imagerie médicale de l'Hôpital général de Toronto (Canada). Le développement et le déploiement de modèles d’IA consomment de grandes quantités d’énergie et les besoins en stockage de données en imagerie médicale et en IA augmentent de façon exponentielle. »
Une étude explore les inconvénients écologiques de l’utilisation de l’IA en radiologie
Le Pr. Hanneman, dont nous avions déjà relaté les travaux sur cette thématique il y a quelques mois, et une équipe de chercheurs ont étudié les avantages et les inconvénients de l'intégration d'outils d'IA en radiologie dans un article publié dans la Revue Radiology. L’IA offre le potentiel d’améliorer les flux de travail, d’accélérer l’acquisition d’images, de réduire les coûts et d’améliorer l’expérience du patient. Cependant, l’énergie nécessaire pour développer ces outils d’IA et stocker les données associées contribue de manière significative aux GES.
« Nous devons trouver un équilibre, en comblant les effets positifs tout en minimisant les impacts négatifs, ajoute le Pr Hanneman. Améliorer les résultats pour les patients est notre objectif ultime, mais nous voulons y parvenir tout en utilisant moins d’énergie et en générant moins de déchets. »
L’augmentation exponentielle des données images dans l’œil du cyclone
Le développement de modèles d’IA nécessite de grandes quantités de données de formation que les établissements de santé doivent stocker ainsi que les milliards d’images médicales générées chaque année. De nombreux systèmes de santé utilisent le stockage dans le cloud, ce qui signifie que les données sont stockées hors site et accessibles électroniquement en cas de besoin. « Même si nous appelons cela stockage dans le cloud, les données sont physiquement hébergées dans des centres qui nécessitent généralement de grandes quantités d'énergie pour les alimenter et les refroidir, poursuit-elle. Des estimations récentes suggèrent que les émissions mondiales totales de GES de tous les centres de données sont supérieures à celles du secteur aérien, ce qui est absolument stupéfiant. »
L’emplacement d’un centre de données a un impact considérable sur sa durabilité, surtout s’il se trouve dans un climat plus frais ou dans une zone où des sources d’énergie renouvelables sont disponibles. Pour minimiser l'impact environnemental global du stockage des données, les chercheurs ont recommandé de partager les ressources et, si possible, de collaborer avec d'autres fournisseurs et partenaires pour distribuer plus largement l'énergie dépensée.
La durabilité devra devenir un critère de qualité en imagerie médicale
D’autre part, ils ont proposé notamment l'utilisation d'algorithmes d'IA efficaces sur le plan informatique, la sélection de matériel nécessitant moins d'énergie, l'utilisation de techniques de compression de données, la suppression des données redondantes, la mise en œuvre de systèmes de stockage hiérarchisés et la création de partenariats avec des fournisseurs utilisant des énergies renouvelables.
Le Pr Hanneman espère que la durabilité deviendra une mesure de qualité dans le processus décisionnel autour de l'IA et de la radiologie. « Les coûts environnementaux doivent être pris en compte au même titre que les coûts financiers liés aux soins de santé et à l'imagerie médicale, conclut-elle. Je crois que l’IA peut nous aider à améliorer la durabilité si nous appliquons les outils judicieusement. Nous devons simplement être attentifs et conscients de sa consommation d’énergie et de ses émissions de GES. »
Bruno Benque avec RSNA