Dévalorisation des actes d'imagerie médicale : les raisons de la colère
MARDI 22 JUIN 2021
Les Forums de l’imagerie se sont ouverts sur une thématique qui fait polémique dans la communauté radiologique : la dévalorisation des actes d’imagerie. Le Dr Jean-Philippe Masson, qui va bientôt négocier un nouvel accord et sera fortement impliqué dans la refonte prochaine de la CCAM, en a profité pour rétablir des vérités sur l’engagement des radiologues et pour sensibiliser l’opinion sur la valeur très faible de l’acte intellectuel pour l’imagerie en coupe notamment.

C’est un Dr Jean-Philippe Masson très incisif qui a participé, en compagnie de l’économiste de la Santé Frédéric Bizard, au premier webinaire « Les forums de l’imagerie » que nous avons organisé, le 16 juin 2021. Il faut dire que le sujet abordé, la valorisation des actes d’imagerie médicale, est très discuté par les acteurs de la spécialité, pour ne pas dire décrié.
« Une baisse organisée par l’État qui ne s’intéresse qu’au montant des dépenses et non aux objectifs de Santé publique »
Et autant dire que le Président de la Fédération Nationale des Médecins Radiologues (FNMR) n’a pas mâché ses mots. « Le milliard d’euros de baisse des tarifs des actes de radiologie qui ont été imposés durant les vingt dernières années a eu pour conséquence une baisse significative des investissements pour les radiologues libéraux », a-t-il annoncé en préambule. Le résultat prévisible de cette conjoncture a été de voir apparaître, dans les unités de radiologie, des appareils de moyenne gamme qui sont susceptibles de faire baisser de manière significative la qualité du service rendu au patient.
« Tout cela a été confirmé par le SNITEM, a-t-il renchéri. Nous sommes devenus ainsi un pays émergent de l’imagerie médicale, et de la médecine en général. Décroissance de la qualité et de la démographie professionnelle du secteur, dans le public et le privé sont la conséquence directe de la politique des gouvernements successifs. Car cette baisse a été organisée par l’état car il ne s’intéresse qu’au montant des dépenses et non aux objectifs de santé publique. J’en veux pour preuve le refus de mettre en place le dépistage du cancer du poumon par scanner low dose, à une époque où la plupart des pays européens - les modernes s’entend – l’ont adopté depuis dix ans pour certains. »
« L’accord FNMR/UNCAM était gagnant-gagnant mais l’article 99 est toujours là »
Les caisses d’Assurance maladie ont demandé, il y a quelques années, que des baisses de l’ordre de 4% par an soient affectée au secteur de l’imagerie médicale, alors que tous les indicateurs sont à la hausse du côté de la demande, sous l’effet du vieillissement de la population et de l’émergence des maladies chroniques notamment. Le Dr J-P. Masson n’a pas omis de commenter cette aberration, la pénurie en équipements qui en résulte étant à l’origine d’une explosion des délais de rendez-vous, totalement inadmissible selon ses dires.
« Bien sûr, nous avons signé, en 1998, un accord historique avec l’UNCAM, axé sur la pertinence des demandes d’imagerie pour gagner en qualité de prescriptions et pour mieux soigner les patients, a-t-il ajouté. Ça a marché ! Il a fallu un temps d’adaptation pour que les acteurs s’habituent mais ça a fonctionné. C’était en fait un accord gagnant-gagnant. Mais le fameux article 99 de la LFSS n’a pas été supprimé ni abrogé, comme l’État l’avait promis. Mais il n’a pas tenu parole. Cet article existe toujours, il ne sera vraisemblablement pas appliqué en 2021, selon le cabinet ministériel, mais il est toujours là. »
« Le Gouvernement dit que nous n’avons pas rempli nos objectifs alors que nous avons réalisé 300M€ d’économies »
Le Dr Masson se veut toutefois optimiste et constructif, puisqu’il va signer, trois ans après l’accord de 1998, une nouvelle convention avec les caisses sur la valorisation des actes d’imagerie. « Nous devons avancer sur la stratégie pertinence comme cela a été fait au Canada, s’est-il exclamé. Mais là-bas, l’état a investi 400 M$ canadiens pour encadrer le changement et pour que les praticiens puissent mieux adopter les nouvelles dispositions réglementaires. Cela leur a permis d’obtenir 15% de baisse des dépenses en imagerie médicale en un an avec une revalorisation des actes ! Au lieu de ça, nous, en France, alors que nous nous étions engagés sur un plan de 164 M€ d’économie et que nous avons réalisé quelques 300 M€, la Secrétaire d’État Brigitte Bourguignon attribue ces résultats à la pandémie et à la baisse d’activité qu’elle a engendrée. Ce qui lui a fait dire que nous n’avions pas rempli les objectifs fixés. C’est un mensonge d’État ! »
Le décor est planté, à quelques semaines d’une nouvelle négociation sur les tarifs et en amont de la refonte annoncée de la CCAM. Une refonte qui ne manquera pas de mettre sur la table la tarification des actes d’imagerie, notamment en coupe, pour lesquels, nous l’avons vu, les forfaits techniques sont fluctuants et dont la seconde variable, l’acte intellectuel du médecin, n’est que de 25€ pour un scanner, soit l’équivalent de la consultation d’un médecin généraliste, ce qui n’est pas du goût des radiologues. Affaire à suivre…
Accédez au replay du webinaire « Les forums de l’imagerie » du 16 juin 2021 ICI.
Bruno Benque