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LE Pr FRANCK BOUDGHENE PLAIDE LA CAUSE DES SERVICES DE RADIOLOGIE HOSPITALIERS

01/12/2015
De Bruno Benque

Alors que les Groupements Hospitaliers de Territoires (GHT) sont en passe de devenir la base du système hospitalier français, le Pr Frank Boudghene, Président du Syndicat des Radiologues Hospitaliers (SRH), a interpellé la Ministre Marisol Touraine pour lui faire part des propositions du SRH quant à cette organisation. Il a accordé une interview à Thema Radiologie dans laquelle il argumente ses propos.  

Thema Radiologie : Vous venez d’être élu Président du Syndicat des Radiologies Hospitaliers (SRH). Quelle charge cela représente-t-il pour vous ?

Pr Frank Boudghene : Il s’agit d’une charge importante car elle concerne les affaires professionnelles de l’ensemble de radiologues hospitaliers, mais je ne suis pas seul et je peux m’appuyer sur une équipe dynamique au sein du bureau du SRH. Pendant les trois ans de mon mandat, nous allons essayer de défendre les intérêts de tous les radiologues hospitaliers, CH et CHU et CLCC réunis. Nous continuons le travail réalisé depuis de nombreuses années auprès des cabinets ministériels par nos prédécesseurs pour notamment, faire connaitre et comprendre la crise profonde qui touche la radiologie hospitalière. 

"Pourquoi les radiologues servent-ils de boucs émissaires ?"

T.R. : Quelles sont les raisons essentielles à cette crise ?

Pr F.B. : Dans l’état actuel, renforcer les effectifs de radiologues dans les hôpitaux publics est une priorité. L’ensemble de nos collègues n’ont de cesse de nous faire remonter leurs problèmes majeurs d’effectifs, et, même en région parisienne, le mal est profond. Mais on n’a pas vraiment l’impression d’être écoutés en haut lieu, comme il le faudrait. Les radiologues servent encore aujourd’hui trop souvent de boucs émissaires du système, car on les accuse de bien gagner leur vie, alors que les radiologues du public sont rémunérés de la même façon que les autres médecins hospitaliers.

T.R. : En quoi le cas des radiologues est-il particulier ?

Pr F.B. : La radiologie a transformé le paysage hospitalier ces vingt dernières années. Ne serait-ce que pour le cancer, nos techniques innovantes peuvent représenter des économies substantielles pour le système de santé tout entier. D’un autre côté, on multiplie les postes aux urgences, on les étoffe en personnel demandeurs d’examen, sans que le recrutement suive en radiologie, notamment sur le secteur interventionnel. 

"Le Ministère a bloqué le décret d’application de la Loi Fourcade depuis cinq ans !"

T.R. : Vous venez d’adresser une lettre à Madame la Ministre Marisol Touraine dans laquelle les dispositions relatives aux GHT ne répondent pas aux problématiques de la Radiologie. Quels sont les points d’achoppement ?

Pr F.B. : Le problème principal vient de l’absence de réponse à notre demande, depuis des années, d’un projet professionnel commun, dont le but est la mutualisation des équipes et des équipements publics et privés sur un territoire afin de répondre aux besoins de santé de la population. La Loi Fourcade (2011) recommande la mise en place de ces plateaux d’imagerie mutualisés (PIM) afin de mieux prendre en charge nos concitoyens dans le cadre d’un projet médical en imagerie. Mais le Ministère bloque depuis cinq ans le décret d’application de cette Loi. Il en résulte un départ massif des jeunes radiologues du public vers le privé, alors que c’est vers l’hôpital que se tournent en majorité les patients dans les situations d’urgence notamment. On ne peut pas laisser les choses en l’état, quand on sait que nombre de séniors vont cesser leur activité très bientôt.

T.R. : Vous êtes donc pour une mutualisation public-privé ?

Pr F.B. : C’est un abus de langage et une simplification abusive de notre projet. Il faut d’abord ramener les jeunes vers les structures publiques et leur donner des conditions de travail améliorées. La pratique hospitalière est trop lourde aujourd’hui, la charge administrative et le manque de reconnaissance du travail médical en imagerie les fait fuir. C’est en cela qu’une mutualisation avec le secteur libéral pourrait favoriser des organisations plus pragmatiques susceptibles de mieux leur convenir. Le GHT est intéressant, mais il a besoin d’outils pour que le parcours patient qui est aussi tourné vers la ville ne s’arrête pas à l’hôpital. On a besoin, d’autre part, de mutualiser les compétences pour améliorer les prises en charge très spécialisées (radiologie interventionnelle). 

"Les CH ne sont-ils pas les oubliés du système ?"

T.R. : Vous parlez des charges administratives des radiologues du secteur public. De quoi parlez-vous ?

Pr F.B. : C’est une réflexion générale, mais l’exemple frappant est la procédure de renouvellement d’un équipement d’imagerie médicale. Le danger est que les radiologues n’aient bientôt plus le choix des appareils sur lesquels ils travaillent, alors que nos métiers sont de plus en plus spécialisés et nécessitent des outils très pointus. De plus, ces procédures de choix et d’achat sont très lourdes et font participer une multitude d’intervenants pas toujours à même de faire des choix cohérents avec la pratique clinique.

T.R. : Votre confrère Guy Moulin, radiologue lui aussi, n’a semble-t-il pas la même vision que vous …

Pr F.B. :  Le Pr Guy Moulin est president de la conference des presidents de CME des CHU et il sait que les CHU bien que mieux lotis en terme de representation medicale, sont aussi deficitaires en radiologues. Le role du SRH est de prendre en compte specifiquement la demographie de l'ensemble des Radiologues Hospitaliers des CHU et des CH qui souffrent d'un deficit medical qui s'aggrave. En oncologie par exemple, 60% de l’activité de prise en charge est effectuée par les hôpitaux généraux. D’autre part, si on regarde ce qui se passe en Allemagne ou au Canada, il n’y a pas de séparation aussi formalisée entre le public et le privé. Nous devons prendre exemple sur leur fonctionnement pour pérenniser la radiologie publique. Nous avons aujourd’hui un ratio d’un radiologue public pour 3 libéraux. Nous n’allons bientôt plus pouvoir assumer la charge de travail, qui est de plus en plus lourde, induite par les nouvelles pratiques radiologiques. Le partage des tâches est susceptible d’alléger cette charge et de faire revenir les jeunes radiologues vers nos établissements. C'est pourquoi une mutualisation basée sur un projet médical associant des praticiens libéraux pourra concourir à améliorer leur situation parfois difficile.

 

"Les élus locaux ont une approche plus conforme à la réalité que les acteurs des cabinets  Ministériels"

T.R. : Comment comptez-vous vous faire entendre ?

Pr F.B. : Nous avons récemment rencontré les parlementaires pour leur expliquer la problématique. Il est intéressant de constater d’ailleurs que, lorsque nous sommes allés à l’Assemblée Nationale, l’approche des élus nous a semblée très différente de celle des acteurs des administrations centrales enfermés dans leur tour d’ivoire. Les députés et sénateurs sont plus proches des préoccupations des patients et sont plus à même de comprendre nos demandes. Notre rôle est, au final, de faire en sorte que tout un chacun puisse avoir une prise en charge radiologique de qualité sur l’ensemble des territoires, par du personnel compétent et avec des moyens adaptés. Si on continue d’opposer les professionnels de santé entre eux, on aboutira au phénomène inverse. Il faut maintenant mettre du lien entre tous les soignants et agir en priorité pour le patient.

T.R. : Souhaitez-vous soutenir les GIE qui fleurissent depuis quelques temps au sein des territoires défavorisés ?

PR F.B. : Non, ce n’est pas l’objectif, car les GIE diffèrent de ce que nous proposons, en ce sens qu’ils ne résultent pas toujours d’un projet médical, mais plus généralement d’un partage de plages horaires. Les PIM que nous promouvons ont vocation à être validés par les Agences Régionales de Santé (ARS), sur la base des projets médicaux, en relation avec les besoins prioritaires des populations.

 

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