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CORAIL, le collectif qui informe les radiologues sur les risques de la financiarisation de la spécialité

07/07/2025
De Propos recueillis par Bruno Benque
Illustration CORAIL, le collectif qui informe les radiologues sur les risques de la financiarisation de la spécialité

Les annonces faites en leur temps autour de la financiarisation de la radiologie semblent s’être calmées. Il n’empêche que la communauté doit rester vigilante afin de préserver les bonnes pratiques de la spécialité. C’est le combat du collectif CORAIL, co-fondé par le Dr Paul-Gydéon Ritvo que nous avons rencontré pour un point sur la situation en cet été 2025.

Thema Radiologie : Nous avons déjà évoqué dans nos colonnes, lors d’une interview avec le Dr Jean-Philippe Masson, le Collectif pour une Radiologie Indépendante et Libre (CORAIL) que vous avez co-fondé au printemps 2023. Pouvez-vous nous rappeler la philosophie de ce collectif ?

Dr Paul-Gydéon Ritvo : Comme vous le savez, la financiarisation de la médecine, et pas seulement de la radiologie,Image inquiète non seulement les praticiens mais également les diverses autorités institutionnelles. Les investisseurs font miroiter des gains de productivité, des investissements en modalités de radiologie sophistiqués, voire une valorisation significative de leurs avoir. Notre collectif a été créé pour informer les radiologues en place ainsi que les internes sur les dangers potentiels de ces pratiques. Ensuite, ils sont libres, bien entendu, de prendre leurs décisions et de choisir leur plan de carrière.

T.R. : Vous avez, avec le soutien de l’Académie de médecine, du Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) et de la Fédération Nationale des Médecins Radiologues (FNMR), rencontré la DGOS et le sénat dans le cadre de la mission d’information sur la financiarisation, et de  la mission IGF/IGAS relative à la financiarisation de l’offre de soins. Quelle a été l’essence de votre message ?

Dr P-G. R. : Nous les avons informés sur les risques que la financiarisation fait peser sur les professionnels de la radiologie, notamment sur la perte de contrôle de leurs pratiques au quotidien. Cela se caractériserait, par exemple, par une incitation à favoriser des actes rémunérateurs et à tourner le dos aux fondamentaux de la médecine. On voit ainsi des centres de radiologie qui ne pratiquent plus de mammographies et autres examens de base, ce qui a plusieurs effets pervers comme une aggravation de la désertification médicale. D’autre part, plusieurs études montrent que l’arrivée de fonds d’investissements dans la santé a pour effet des couts plus élevés pour le contribuable, comme cela s’est manifesté récemment à la Réunion. 

T.R. : En pratique, quel est le mode d’intervention des sociétés financières dans le fonctionnement d’un centre d’imagerie médicale ?

Dr P-G. R. : Il nous a été indiqué qu’elles ciblent certains praticiens expérimentés du groupe et qu’elles leur octroient des conditions plus intéressantes qu’aux autres, notamment par de meilleurs pourcentages au bénéfice ou un nombre de parts de l’entreprise supérieur. En contrepartie, ils sont tenus, en tant que responsables de sites, de diffuser, auprès de leurs confrères du groupe, les lignes directrices imposées par la société financière. Je reçois des appels, toutes les semaines, de radiologues qui décrivent ce qui se passe à l’intérieur de leur structure et qui se plaignent de cadences infernales. 

T.R. : Les groupes de radiologues qui entrent dans ce processus sont-ils forcément en difficultés financière ou en manque de liquidités pour investir ?

Dr P-G. R. : Bien évidemment que non ! Tout cela est relativement artificiel et ne nous semble pas, pour le moment, utile car on n’a jamais vu une banque refuser un prêt à un groupe de radiologue qui souhaitait investir dans son outil de travail. Le message est clair : l’intervention de sociétés financières ne nous apparait pas utile en l’état pour notre spécialité, et pour beaucoup d’autres, d’ailleurs. Elle pourrait même être néfaste puisqu’il a été montré que ces sociétés rachètent des petits cabinets pour afficher leur bonne volonté et obtenir des autorisations d’imagerie lourde (scanner et IRM). Certaines fermeraient ensuite ces petits cabinets et regrouperaient les radiologues.

T.R. :  Il semble que la financiarisation ait fait un pas en arrière dans le domaine de la radiologie, notamment depuis la publication de l’Ordonnance N°2023-77 du 8 février 2023. Mais elle n’a pas disparu. Que faire pour aller plus loin ?

Dr P-G. R. : Des dispositions devant empêcher la prise d’actions de préférence devaient figurer dans le texte initial de cette ordonnance mais la mesure n’a finalement pas été conservée dans le texte publié. Le texte concerne les professions libérales et des décrets sont censés être pris pour chaque catégorie. Nous espérons que les décrets relatifs à la médecine, qui sont encore attendus, remettront cette mesure sur le devant de la scène. Un autre problème concerne les contrôles effectués par l’Ordre, qui n’est pas toujours en mesure de vérifier les pactes d’associés et qui a, de fait, le pouvoir d’encadrer la formation de tels groupes, voire d'en radier quelques-uns. Ce qui n’est pas validé par l’Ordre ne devrait pas être opposable. Mais globalement, nous enregistrons un recul de ces pratiques, un peu grâce à CORAIL, d’ailleurs, notamment à travers le basculement des indécis vers la non adhésion ou par des épisodes comme le retrait du fond Antin d’un gros groupement dans un contexte de conjoncture économique défavorable qui l’a fait fuir, en quelque sorte.

T.R : Pour conclure, nous pouvons dire que la tendance s’inverse mais qu’il faut être vigilant…

Dr P-G. R. : Disons que la situation s’améliore mais que nous restons, chez CORAIL, en figure de proue de ce combat, avec un discours, vous l’avez compris, assez modéré pour ne pas porter du tort à nos confrères. Il existe deux modèles et les radiologues ont le choix entre les deux. Nous sommes juste là pour les informer dans leurs décisions.

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