Le médecin-chercheur Eric J. Topol et le spécialiste en IA de Harvard, Pranav Rajpurkar plaident en faveur d'une séparation claire des rôles entre les systèmes d'IA et les radiologues dans un éditorial publié dans la Revue Radiology. Ils proposent un cadre que les radiologues doivent adapter à leurs besoins spécifiques et souhaitent développer de nouveaux modèles qui compilent expertise clinique, connaissances techniques et mise en œuvre opérationnelle.
Les auteurs d’un article récent publié dans la Revue Radiology appellent à repenser le rôle d'assistance de l'IA, conçue pour
collaborer avec les radiologues afin d'améliorer la précision des diagnostics,
l'intégration complète de l'IA dans les flux de travail radiologiques n'ayant
visiblement pas répondu aux attentes.
Les experts de l’IA en radiologie attendent plus de synergie entre cette technologie et les médecins
« Nous sommes coincés entre méfiance et dépendance, et nous ne tirons pas pleinement parti du potentiel de l'IA », déclare en préambule le Dr Rajpurkar, professeur agrégé d'informatique biomédicale à l'Université Harvard (Massachussets – USA). « Il est encore trop tôt pour obtenir une évaluation définitive, explique le Dr Topol, professeur et vice-président exécutif de l’institut Scripps Research à San Diego (Californie – USA). Cependant, plusieurs études récentes sur GenAI n'ont pas démontré la synergie tant attendue entre l'IA et les médecins. »
Le Dr Rajpurkar ajoute : « Les données actuelles suggèrent que ni les approches d'assistance totalement intégrées ni l'automatisation complète ne sont optimales. Les radiologues ne savent pas quand faire confiance à l'IA et quand se faire confiance. Ajoutez à cela les erreurs de l'IA, et vous obtenez un véritable tourbillon d'incertitudes. »
« Une poudre magique numérique sur des flux de travail défaillants »
La mise en œuvre de l'IA d'assistance a présenté des défis majeurs, notamment des biais cognitifs, qui poussent les radiologues, soit à ignorer, soit à se fier excessivement aux suggestions de l'IA. Des incitations inadaptées, des flux de travail flous, des préoccupations en matière de responsabilité et des modèles économiques peu favorables à l'intégration de l'IA ont également ralenti son adoption.
« Après des années de battage médiatique, la pénétration de l'IA en radiologie américaine reste étonnamment faible, poursuit le Dr Rajpurkar. Cela suggère que nous avons mis en œuvre l'IA comme une poudre magique numérique sur des flux de travail défaillants. La véritable opportunité ne réside pas dans des gains de précision marginaux, mais dans la transformation des flux de travail. »
Des experts qui proposent une approche prudente et mesurée de la séparation des rôles
Les auteurs proposent une approche prudente et mesurée de la
séparation des rôles, guidée par une validation clinique rigoureuse et des
données probantes du monde réel, comme la voie la plus pragmatique. Leur cadre
comprend trois modèles :
· Un modèle séquentiel IA-First qui, lorsqu’il est efficace, traite le segment initial du flux de travail (par exemple, la préparation du contexte clinique à partir des dossiers médicaux électroniques), après quoi le radiologue fournit une interprétation experte ;
· Un modèle séquentiel Médecin-First, où le radiologue lance le processus diagnostic tandis que l’IA effectue des tâches complémentaires, telles que la génération de rapports et les recommandations de suivi, pour optimiser le flux de travail ;
· Un modèle d’attribution des cas, qui sont triés en fonction de leur complexité et de leur clarté, certains étant entièrement gérés par l’IA, d’autres par un radiologue, et les autres par une combinaison des deux.
« Les radiologues sont pris dans le pire des deux mondes, ajoute le Dr Rajpurkar. Ils craignent de faire entièrement confiance à l’IA, mais sont trop dépendants pour l’ignorer. Une séparation claire des rôles rompt ce cycle. »
Un cadre que les radiologues doivent adapter à leurs besoins spécifiques
Les auteurs envisagent que les établissements mettent en œuvre leur cadre par le biais d’interactions répétées plutôt que de processus stricts et séquentiels. « Nous fournissons un cadre, mais la véritable innovation viendra des radiologues de première ligne qui l’adapteront à leurs besoins spécifiques, rappelle le Dr Rajpurkar. Les établissements découvriront probablement des approches hybrides que nous n'avions même pas encore imaginées. »
Par exemple, un centre de traumatologie pourrait utiliser le modèle « IA-First » pour examiner les radiographies thoraciques pendant la nuit, puis passer à un modèle « Médecin-First » pour la formation des internes. Avec le modèle d'attribution des cas, un système de dépistage par IA pourrait identifier et « valider » les résultats normaux, ne transmettant que les cas anormaux au radiologue pour examen.
Une feuille de route pragmatique pour une meilleure intégration de l’IA aux flux de travail
La mise en œuvre de cette vision nécessitera des programmes pilotes soigneusement conçus pour tester les modèles en environnements cliniques réels, en mesurant la précision, l'efficacité des flux de travail, la satisfaction des radiologues et les résultats en aval.
« Notre cadre offre aux radiologues non pas une nouvelle promesse de magie de l'IA, mais une feuille de route concrète et pratique pour l'intégration, qui tient compte à la fois des limites actuelles et de l'évolution inévitable de l'IA, prévient le Dr Rajpurkar. La Food & Drug Administration (FDA) doit maintenir la surveillance de la sécurité, mais la certification clinique nécessite une compréhension de l'intégration des flux de travail en situation réelle, ce qui dépasse le cadre réglementaire traditionnel. »
Trouver de nouveaux modèles qui compilent expertise clinique, connaissances techniques et mise en œuvre opérationnelle
Les chercheurs ont besoin de nouveaux modèles, peut-être d'organismes de certification indépendants combinant expertise clinique, connaissances techniques et expérience de mise en œuvre. Ils attendent l'émergence de systèmes d'IA médicaux généraux capables de gérer les tâches courantes, de préparer les dossiers et de rédiger les comptes rendus, tout en apprenant les pratiques.
« Nous n'en sommes pas encore là, conclut le Dr Rajpurkar. Mais lorsque ces systèmes seront capables de gérer avec compétence l'étendue des tâches d'un résident en médecine senior, la situation changera radicalement. C'est le point d'inflexion que nous attendons. »
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