Les demandes de TDM confirmeraient la baisse de la qualité du raisonnement clinique des prescripteurs
JEUDI 09 FéVRIER 2023
Beaucoup d’observateurs émettent l’hypothèse que la qualité du raisonnement clinique des prescripteurs d’examens d’imagerie avait baissé au fil du temps. Une étude hollandaise publiée dans la Revue European Radiology semble confirmer cette tendance pour la prescription des tomodensitométries abdominales durant les heures de garde.

Le succès de la tomodensitométrie (TDM) depuis quelques années est du notamment à sa disponibilité relativement répandue, aux améliorations continues de la technologie, à la baisse des coûts des modalités ou à ses applications cliniques diverses.
La sur-utilisation de la tomodensitométrie est-elle due à la détérioration de la qualité du raisonnement clinique des prescripteurs ?
Mais elle fait sans doute l’objet d’une sur-utilisation, les cliniciens la prescrivant pour exclure une maladie selon un raisonnement hypothético-déductif probabiliste, plutôt que pour confirmer une pathologie. Est-ce dû à la détérioration de la qualité du raisonnement clinique des médecins prescripteurs ? Beaucoup d’observateurs l’affirment. Pourtant, l'établissement d'un bon diagnostic différentiel basé sur les antécédents cliniques, l'examen physique et les résultats de laboratoire est considéré comme important pour optimiser l'interprétation et le rendement diagnostique d'un examen d'imagerie, de même que pour éviter des examens d'imagerie inutiles.
Un travail de recherche initié sur les prescriptions de TDM abdominales pendant les heures de garde
Une équipe hollandaise a étudié cette tendance pendant les heures de garde, durant lesquelles les scanners de l'abdomen sont fréquemment demandés, du fait de la diversité des pathologies de cette région qui sont parfois difficiles à diagnostiquer sur la base de critères cliniques. Leur étude, publiée dans la Revue European Radiology, se proposait donc d'étudier les changements temporels dans la qualité du raisonnement clinique des médecins prescrivant des TDM abdominaules dans un centre de soins tertiaires pendant les heures de garde sur une période de 15 ans.
Des critères prenant en compte les diagnostics différentiels de la prescription et le diagnostic TDM
Cette étude rétrospective a inclus 531 patients pendant les heures de garde sur 36 jours calendaires uniques échantillonnés au hasard au cours de chacune des années entre 2005 et 2019. La qualité du raisonnement clinique a été exprimée en pourcentage (0 à 100 %), en tenant compte du degré de correspondance entre les diagnostics différentiels du formulaire de demande de TDM et le diagnostic TDM. Les changements temporels dans la qualité du raisonnement clinique et le nombre TDM ont été évalués à l'aide des tests de Mann-Kendall. Les associations entre la qualité du raisonnement clinique avec l'âge et le sexe du patient, le service demandeur et l'heure de la TDM ont été déterminées par des analyses de régression linéaire.
Des résultats qui confirment la baisse de la qualité du raisonnement clinique
Les résultats de ce travail montrent un score annuel médian de raisonnement clinique de 0,4 %, avec une qualité du raisonnement clinique significativement diminué entre 2005 et 2019 (Mann-Kendall Tau de -0,829), tandis que le nombre de scanners abdominaux a significativement augmenté (Mann-Kendall tau de 0,790). Cette étude montre en outre une association significative entre la qualité du raisonnement clinique et l'âge du patient (coefficient β de 0,210), qui n’apparaît pas significativement quant au sexe du patient, au service demandeur ou à l'heure de la TDM.
Des arguments pour attribuer plus de valeur au rôle de l’imagerie médicale
La qualité du raisonnement clinique des médecins prescripteurs de TDM abdominales pendant les heures de garde semble donc s’être détériorée avec le temps. Ce travail montre en outre que des tentatives peuvent être faites pour améliorer le raisonnement clinique des médecins en formation continue, ce que les radiologues ont été invités à accepter faire dans l’institution où exercent les auteurs de l’étude. À l’inverse, si le mauvais raisonnement clinique des médecins référents est accepté comme statu quo, les responsables des politiques de santé pourraient envisager d'attribuer plus de valeur au rôle de l'imagerie médicale et des radiologues qui interprètent, tant sur le plan financier que RH.
À la lumière des développements techniques en cours dans l'imagerie en coupe qui réduisent encore les temps d'acquisition ou diminuent la dose de rayonnement, les chercheurs avancent même que la TDM et d'autres modalités d'imagerie prendront en charge de plus en plus les tâches de diagnostic initiales des médecins traitants.
Bruno Benque avec European Radiology