Le scanner double énergie comme nouveau standard pour la mesure de qualité musculaire ?
LUNDI 29 MARS 2021
La graisse musculaire squelettique identifiée au scanner ou à l’IRM est un indicateur de sarcopénie. Une étude allemande publiée dans European Radiology teste le scanner double énergie, en comparaison avec la relaxométrie IRM, pour évaluer la quantité de graisse musculaire. Cette technologie s’avère pertinente dans ce cadre et pourrait être nouveau standard pour la mesure de la qualité musculaire.

La sarcopénie est associée à une espérance de vie plus faible et à un mauvais pronostic chez les patients cancéreux. Elle est également associée à une augmentation des taux de complications chez les patients nécessitant une intervention chirurgicale ou suite à un traumatisme. La détection précoce de cette pathologie est donc vitale pour eux.
Le scanner et l’IRM pour identifier la sarcopénie par évaluation de la qualité musculaire
La définition actuelle la plus largement citée du consensus du groupe de travail européen sur la sarcopénie chez les personnes âgées indique qu’elle est probable chez les personnes à faible force musculaire. Alors que la force musculaire peut être mesurée cliniquement, la masse musculaire peut être évaluée par analyse d'impédance bioélectrique (BIA), absorptiométrie à double énergie (DXA), tomodensitométrie (TDM) ou IRM. Ainsi, des études sur la capacité du scanner ou de l'atténuation moyenne du rayonnement par le muscle squelettique (SMRA) à évaluer l'accumulation de graisse du muscle squelettique ont été réalisées.
Alors que la première représente une méthode subjective, la détermination de SMRA est semi-quantitative, avec des valeurs comprises entre - 190 et +150 unités Hounsfield (HU) et un pic à 50 HU. Sauf que le scanner à double énergie (DECT) offre de nouvelles approches quantitatives sans injection de produit de contraste pour mesurer la graisse. Avec le DECT, la proportion d'un certain matériau ou tissu dans un voxel, par exemple la graisse, peut être déterminée par les coefficients d'atténuation spécifiques du matériau dépendant de l'énergie.
Comparaison entre le scanner double énergie et la relaxométrie IRM pour quantifier la graisse musculaire
L'objectif principal d’une étude allemande publiée dans European Radiology était de quantifier la graisse dans le muscle squelettique en tant que mesure de la qualité musculaire. La fraction de graisse (DECT-FF), déterminée par la décomposition du matériau, et les valeurs HU sur des images DECT virtuelles sans contraste (VNC) ont été mesurées dans 126 régions d'intérêt et comparées à la relaxométrie IRM par déplacement chimique (MRCSR). En outre, une association entre les valeurs DECT et les classifications de la sarcopénie basée sur les valeurs de seuil SMRA provenant du scanner classique non injecté a été étudiée.
Sur la base des valeurs de l’aire musculaire squelettique (SMA), l'indice musculaire squelettique (SMI) a été calculé en utilisant SMA [cm2] / hauteur [m]2. Le SMI en tant que paramètre de la quantité musculaire a été utilisé pour classer les patients comme sarcopéniques ou non sarcopéniques, selon trois systèmes différents basés sur des seuils, qui classent les SMI selon le sexe, ou, pour les patients masculins, qui prennent également en compte l'IMC, ou enfin qui classent le SMI selon le sexe, l'IMC et l'âge. AU final, la corrélation était excellente entre DECT-FF et MR-FF (r = 0,91), DECT VNC HU et MR-FF (r = - 0,90), ou entre DECT-FF et DECT VNC HU (r = - 0,98). La corrélation intraclasse entre DECT-FF et MR-FF était bonne, avec une différence moyenne de 0,15%. Aucune relation significative entre les classifications DECT-FF et SMI n'a, en outre, été observée.
Le scanner double énergie comme nouveau standard pour la mesure de la qualité musculaire
Les principales limites de cette étude pilote sont le faible nombre de patients et l'hétérogénéité du collectif de patients. Comme l'objectif était d'étudier la concordance de la quantification de la graisse DECT et IRM dans le muscle squelettique indépendamment de l'état musculaire de l'individu, l’âge et l'IMC importaient peu et les critères d'inclusion ou d'exclusion ne se limitaient pas à des situations spécifiques, comme le type et le stade du cancer, les maladies métaboliques telles que le diabète, la chimiothérapie, etc., qui peuvent influencer l'état musculaire du patient. Cependant, la forte variation du pourcentage de graisse musculaire squelettique résultant du groupe de patients hétérogène et une large gamme de valeurs d'IMC doivent être considérées comme une autre cause possible du manque de concordance observé entre la fraction de graisse musculaire et les classifications de sarcopénie basées sur le SMI, comme ces derniers ne prennent pas en compte la graisse intra et extramyocellulaire.
En conclusion, cette étude pilote démontre que la quantification de l'accumulation de graisse dans le muscle squelettique en tant que paramètre de qualité musculaire par DECT est faisable et fiable. De plus, les valeurs DECT VNC HU permettent l'évaluation de SMRA indépendamment de l'utilisation d'un produit de contraste. Le DECT présente ainsi une nouvelle approche pour la mesure de la qualité musculaire. Le MRCSR a été choisi comme modalité de comparaison par opposition à la spectroscopie IRM. Il est rapide, robuste et permet de mesurer la teneur en graisse sur des ROI importants, ce qui est avantageux chez les individus présentant une infiltration de graisse musculaire inhomogène.
Bruno Benque avec European Radiology