Injection iodée : un risque surestimé pour les insuffisants rénaux selon les sociétés savantes américaines
MARDI 21 JANVIER 2020
Le risque d'administrer des produits de contraste iodés intraveineux aux patients présentant une fonction rénale réduite a été surestimé, selon de nouvelles déclarations consensuelles de l'American College of Radiology (ACR) et de la National Kidney Foundation (NKF), publiées dans la revue Radiology. Elles recommandent de distinguer deux types de réactions.

Les produits de contraste intraveineux iodés couramment utilisés en radiologie sont souvent proscrits chez les patients présentant une fonction rénale réduite en raison des risques perçus de lésion rénale aiguë induite par le contraste. Et cela peut entraver un diagnostic rapide et précis chez ces patients.
Le risque iodé pour les insuffisants rénaux est-il surestimé ?
« Les craintes historiques de lésions rénales dues à un scanner injecté ont conduit à des dommages non mesurés liés à des erreurs de diagnostic et à des retards de diagnostic, précise l’auteur principal d’une déclaration consensuelle de l'American College of Radiology (ACR) et de la National Kidney Foundation (NKF), le Dr Matthew S. Davenport, professeur agrégé de radiologie et d'urologie à l'Université du Michigan à Ann Arbor (Michigan, USA). Les données modernes précisent que ce risque perçu a été surestimé. Notre intention est de fournir des conseils pluridisciplinaires concernant le véritable risque pour les patients et comment appliquer une prise en compte de ce risque à la pratique clinique moderne. »
Ces déclarations de consensus ont été élaborées pour améliorer et standardiser les soins aux patients atteints d'insuffisance rénale, qui peuvent avoir besoin de subir des examens nécessitant l’injection d’un produit de contraste iodé intraveineux afin de fournir les images conduisant à un diagnostic le plus éclairé. Dans la pratique clinique, de nombreux facteurs sont utilisés pour déterminer si des produits de contraste intraveineux doivent être administrés, comme les risques de diagnostic erroné, la récupération de la fonction rénale ou le risque de réaction allergique. Les décisions sont rarement basées sur une seule considération, comme le risque d'un événement indésirable spécifiquement lié à une insuffisance rénale. Par conséquent, les auteurs conseillent de considérer les risques dans le contexte global du scénario clinique.
Différentier les lésions induites par le contraste et celles associées au contraste
Il est important de noter que le document commun ACR - NFK souligne les principales différences entre la lésion rénale aiguë induite par contraste (CI-AKI) et la lésion rénale aiguë associée au contraste (CA-AKI). Dans la CI-AKI, une relation causale existe entre les produits de contraste et les lésions rénales, tandis que dans la CA-AKI, une relation causale directe n'a pas été démontrée. Les auteurs suggèrent que des études qui n'ont pas correctement distingué les deux ont contribué à la surestimation du risque. « Une explication principale du risque néphrotoxique perçu exagéré d’un scanner injecté est la nomenclature, poursuit le Dr Davenport. Une lésion rénale aiguë induite par le contraste implique une relation causale. Cependant, dans de nombreuses circonstances, le diagnostic de CI-AKI dans les soins cliniques et dans la recherche est fait d'une manière qui empêche l'attribution causale. La différentiation de la lésion rénale aigüe induite par le contraste de celle associée au contraste est une étape cruciale pour améliorer la compréhension du vrai risque pour les patients. »
Une série de recommandations formulées par les deux sociétés scientifiques
Ce document répond dès lors à des questions clés et fournit des recommandations pour l'utilisation de produits de contraste intraveineux dans le traitement des patients présentant divers degrés d'insuffisance rénale.
Bien que le véritable risque de CI-AKI reste inconnu, les auteurs recommandent une solution saline intraveineuse normale pour les patients sans contre-indication, tels que l'insuffisance cardiaque, qui ont une insuffisance rénale aiguë ou un débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) inférieur à 30 ml/min/1,73 m2 qui ne subissent pas de dialyse. Dans des circonstances individuelles et inhabituelles à haut risque (patients présentant plusieurs facteurs de risque comorbides), la prophylaxie peut être envisagée chez les patients avec un DFGe de 30 à 44 ml/min/1,73 m2, à la discrétion du clinicien demandeur.
La présence d'un rein solitaire ne devrait, d’autre part, pas influencer la prise de décision concernant le risque de CI-AKI. L'abaissement de la dose de produit de contraste en dessous d'un seuil de diagnostic connu doit être évité en raison du risque de diminution de la précision du diagnostic. De plus, lorsque cela est possible, les médicaments toxiques pour les reins doivent être refusés par le clinicien référent chez les patients à haut risque.
Les auteurs soulignent que des données contrôlées prospectives sont nécessaires dans les populations adultes et pédiatriques pour clarifier le risque de CI-AKI.
Bruno Benque avec RSNA