La Cour des comptes cible aussi la radiothérapie
VENDREDI 14 OCTOBRE 2022
Le Rapport de la Cour des comptes sur les finances de la Sécurité sociale 2022 comprend un volet sur les finances de la radiothérapie française. Sont ciblés notamment les différents modes de rémunération des actes selon les structures publiques, privées à but non lucratif et libérales, une tarification des pratiques inadaptée, ainsi qu’une mauvaise régulation régionale de l’activité.

Dans le cadre de son Rapport sur les finances de la Sécurité sociale, la Cour des comptes, après un chapitre critique sur l’imagerie médicale, cible, dans le chapitre suivant, les pratiques de radiothérapie en France.
Des différences significatives de tarification des actes entre secteur public et secteur libéral
Elle remarque en préambule que les dépenses de radiothérapie ont augmenté, entre 2015 et 2020, beaucoup plus fortement que l’enveloppe globale de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM)), celles du secteur public et du Privé à but non lucratif (PNL) ayant augmenté de 4% - alors que le sous-objectif « Établissement de santé » est de +1,8 % - et celles du secteur libérale ayant progressé de 8,9% en moyenne par an - alors que le sous-objectif « Soins de ville » est de +2,4 % -. Des taux qui ne correspondent pas à l’augmentation du nombre de patients et s’explique notamment, je cite, « par les règles de tarification et par leur application parfois sujette à caution ».
Pour rappel, le secteur public ou PNL facture à l’assurance maladie son activité de radiothérapie selon des tarifs associés à des Groupements Homogènes de Séjours (GHS) et qui sont réévalués dans les cas de techniques de modulation d’intensité ou en conditions stéréotaxiques. Le secteur libéral, quant à lui, est soumis à une facturation à l’acte selon la CCAM inchangée depuis 2004 et qui ne prend pas en compte ces nouvelles techniques de traitement. On identifie donc aisément les disparités de revenus des uns et des autres, le secteur libéral, qui représente la moitié de l’offre de soins dans ce domaine, se trouvant ainsi désavantagé pour l’amélioration de son parc d’installations.
Des praticiens aux niveaux de rémunération très éloignés selon le statut
À l’inverse, le maintien de cette tarification avantageuse pour le secteur public et le PNL l’encourage au développement des nouvelles pratiques de radiothérapie, « qui constituent une activité « protégée » en termes de tarifs dans le cadre de la politique nationale contre les cancers », selon la Cour. Cette dernière remarque dès lors des arrangements dans la cotation des actes, les professionnels du secteur libéral utilisant les imprécisions de la nomenclature pour obtenir un niveau de recettes au moins équivalent à celui du secteur public ou PNL pour une activité identique.
En bout de chaîne, les honoraires perçus par les oncologues-radiothérapeutes libéraux apparaissent sensiblement plus élevés que ceux de tous les autres spécialistes, de l’ordre de 426 000€ nets en moyenne alors que, selon le Centre national de gestion hospitalière (CNG), la rémunération moyenne, dans le public, d’un praticien hospitalier (PH) à temps plein est de l’ordre de 80 000 € nets, pour certaines spécialités. Ainsi, la rémunération d’un radiothérapeute en libéral est 4 à 5 fois plus élevée que dans le secteur public et s’accroît depuis 2015.
Des ARS incompétentes pour réguler l’activité au niveau régional
En termes de régulation régionale de l’activité de radiothérapie, la Cour des comptes qualifie les Agences Régionales de Santé (ARS) incompétentes, car elles ne disposent « ni de données d’activité consolidées et comparables entre les deux secteurs, ni de celles relatives aux transports sanitaires induits par l’activité de radiothérapie, ni d’indicateurs de la qualité dont le recueil est encore trop limité, ni de référentiels médicaux leur permettant d’évaluer l’offre de soins au regard de la pertinence des actes et des techniques ». Elles se contentent donc de reconduire des implantations historiques, ce qui nuit aux politiques de complémentarité ou de mutualisation des compétences et ressources. Heureusement que la Société française de radiothérapie oncologique (SFRO) a élaboré un guide référençant les bonnes pratiques, qui regroupe l’ensemble des recommandations en radiothérapie externe et interne.
Au final, la Cour des comptes formule des recommandations visant à appliquer les mêmes exigences en matière d’évaluation de la qualité et de la sécurité des soins, de recueil de l’activité et de connaissance de la structure des coûts, à tous les centres quel que soit leur statut à compter de 2024, à mettre en œuvre la réforme de la tarification au plus tard le 1er janvier 2024, sur une base d’un recueil unique de l’activité et en corrigeant les règles de facturation en cas de réalisation d’une activité libérale en établissement de santé, à définir des indicateurs nationaux de qualité et construire un outil d’évaluation de l’adéquation de l’offre aux besoins des territoires, ou à expérimenter une procédure d’autorisation temporaire, limitée dans le temps, des techniques et pratiques innovantes en radiothérapie conditionnée par un suivi des situations cliniques.
Bruno Benque