Open bar pour les prescripteurs et Happy hour pour les radiologues !
LUNDI 26 MARS 2018
Les radiologues se doivent désormais de revendiquer la maîtrise de la pertinence des actes. C'est, en substance, ce que le Dr Laurent Verzaux recommande, dans un texte publié dans le numéro de mars du Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle.

La pertinence des examens d'imagerie médicale est un sujet fort discuté ces derniers temps. Le Ministère en a fait un cheval de bataille – pas seulement dans le champ de la radiologie d'ailleurs – et la communauté radiologique tente de la faire appliquer dans ses pratiques sans toutefois n'y parvenir que partiellement.
Un problème traité depuis longtemps par le G4
Dans un article publié dans le numéro de mars du Journal de Radiologie diagnostique et interventionnelle, le Dr Laurent Verzaux, Président du Conseil de surveillance de la Société Française de Radiologie (SFR), appelle de ses vœux la maîtrise de la pertinence de la demande d'examens par les radiologues. Cette thématique fait l'objet, depuis plus de dix ans, d'un traitement spécifique de la part du Conseil National de la Radiologie Française (G4 – CERF, FNMR, SFR, SRH) au travers du guide de bon usage des examens d'imagerie. Il s'agissait, au départ, de favoriser la réduction des doses collectives de rayonnements X reçus par les patients.
Des dérives inflationnistes difficiles à endiguer
Mais force est de constater que les dérives inflationnistes ne sont pas encore endiguées, les examens dits inutiles étant évalués à 20-25%, et que des pratiques nouvelles sont en passe de d'accentuer encore le phénomène. Le Dr Verzaux cible en effet les organisations de téléradiologie qui font fi des projets médicaux et qui laissent trop souvent les manipulateurs livrés à eux-mêmes dans des pratiques laissant de côté la qualité des protocoles d'acquisition, la coopération médico-soignante, voire la justification des prescriptions. Du côté des prescripteurs, il parle également de demandes d'examens qui constituent "une sorte de protection garantissant l'obligation de moyens, lorsque cette demande ne sert pas seulement à désengorger les urgences. " Il ajoute ainsi avec un brin de malice et d'impertinence: " Open-bar pour les demandeurs et happy hour pour les radiologues !"
Des oiseaux de mauvaise augure prêchant la déshumanisation de la radiologie
On entend, de plus, ça et là, des commentateurs, oiseaux de mauvaise augure, qui annoncent avec insistance la fin du radiologue tel qu'on le connaît, remplacé par des processus d'intelligence artificielle dont les atouts seraient de réaliser des interprétations plus rapides, peut-être plus fines, mais qui permettraient surtout de faire économiser des sommes significatives à l'Assurance Maladie. À l'heure où le système sanitaire est accusé de déshumanisation, où les patients se plaignent de perdre le contact avec les médecins qui les prennent en charge, alors qu'un des critères de qualité des soins est justement la relation soignant-soigné, ces affirmations ne semblent pas très pertinentes. L'évaluation de l'état clinique du patient, les conseils relatifs aux éventuels effets secondaires liés examens d'imagerie ou l'annonce du médecin au patient en fin de procédure ne pouront pas se passer de radiologue de sitôt.
Contrôle des procédures, coopération, qualité des réalisations, comptes rendus structurés
C'est donc, pour le Dr Verzaux, à la communauté radiologique de revendiquer la maîtrise de la pertinence des demandes d'examen. Parmi les actions à mettre en œuvre pour donner de la valeur ajoutée à l'intervention du radiologue, il préconise la mise en place de demandes d'examen structurées, un contrôle de la réalisation des actes, en présentiel ou à distance, en coopération avec les manipulateurs, la formalisation de la qualité de réalisation des examens, dont l'interprétation doit être accompagnée d'un compte rendu structuré, diffusé, et dont la conclusion doit comporter une proposition d'orientation ou de conduite à tenir pour le patient.
L'imagerie médicale est, semble-t-il, à la croisée des chemins. Les acteurs de la spécialité le savent bien et devront maintenir leur mobilisation contre ceux qui prédisent une révolution des pratiques dont l'issue ne peut être qu'une baisse de la qualité des soins entraînant une perte de chances pour les patients.
Bruno Benque