Le scanner spectral à comptage photonique confirme son potentiel clinique
MERCREDI 11 DéCEMBRE 2019
Le scanner spectral à comptage photonique confirme son potentiel en tant que technologie de rupture en tomodensitométrie. En amont du prochain MDCT 2020, où il s’exprimera à ce sujet, nous avons rencontré le Pr Philippe Douek, l’un des pionniers dans ce domaine, qui fait un point sur la recherche fondamentale sur ce champ, mais également sur la recherche clinique qui engendre des protocoles très prometteurs.

Le scanner spectral à comptage photonique (SPCCT) peut être considérée comme la troisième évolution de la technologie de la tomodensitométrie, après les modalités comprenant un seul détecteur et l’acquisition spiralée sur plusieurs rangées de détecteurs.
Tout savoir sur le scanner spectral à comptage photonique au MDCT 2020
Et celui qui en parle le mieux, c’est le Pr Philippe Douek, radiologue à l’Hôpital Louis Pradel de Bron (Hospices Civils de Lyon) et chercheur à l’Université Claude Bernard Lyon 1. Il mène, depuis plusieurs années en effet, des recherches sur cette particularité physique des détecteurs de rayons X appliquée à la scanographie. Il nous en avait d’ailleurs présenté les grandes lignes lors d’une précédente interview, il y a deux ans, lors du Symposium Scanner Volumique (MDCT) 2018. Nous l’avons retrouvé, avant qu’il n’évoque une nouvelle fois le sujet lors du prochain congrès qui se déroulera les 7 et 8 février 2020 à Nancy.
Des résolutions spatiales jamais égalées à ultra basses doses
Les recherches qu’il mène sur le scanner spectral à comptage photonique ont abouti à la réalisation d’un deuxième prototype à visée clinique, alors que le premier imageur qu’il nous avait présenté à l’époque n’explorait que de petits animaux. « La nouvelle machine traite donc des champs plus étendus et utilise des détecteurs plus larges, mesurant environ 2cm, précise la Pr Douek. Elle atteint désormais une résolution spatiale de 250µ en émettant des doses rayonnement 30% plus bas que la technologie classique. Cette nouvelle modalité propose également cinq niveaux d’énergie, que l’on peut adapter à partir d’un spectre allant de 3 mAs à 600 mAs pour des acquisitions à 80, 100 ou 120 Kv. » Les progrès des calculateurs informatiques permettent, en outre, d’obtenir 60 fois plus d’information que le prototype précédent, avec une capacité de stockage de 50 To.
Des applications cliniques très diverses en cours d’évaluation
Le programme de recherche clinique qui accompagne l’utilisation de cette machine permet désormais d’évaluer des applications très diverses sur l’homme. « Nous avons démarré des évaluations en imagerie vasculaire, que je présenterai d’ailleurs au prochain symposium, poursuit-il. Il s’agit d’un protocole évaluant des angiographies carotidiennes, en comparaison avec des technologies de bi-énergie, d’IRM et d’anapath. » D’autres applications traitent du cancer du poumon à très basse dose, de la pneumopathie interstitielle diffuse, de pathologies osseuses et articulaires. Nous essayons de balayer un large champ d’applications cliniques, notamment dans le cadre des contrôles de procédures de neuroradiologie interventionnelle, le tout étant planifié pour les deux prochaines années.
Ce travail concerne, en parallèle, la recherche fondamentale, ciblée notamment sur l’exploration multi-énergie, la caractérisation tissulaire chez les patients et l’imagerie K-edge sur les gros animaux. « On va travailler, par exemple, sur la plaque d’athérosclérose, sur l’infarctus du myocarde, annonce le Pr Douek. Nous allons ainsi continuer à traiter les trois ANR en cours d’exploration : ATHERSPECTRA sur la plaque d’athérome, BREXIT, sur l’imagerie interventionnelle ostéo-articulaire et l’étude de nouveaux alliages au Gadolinium, ainsi qu’un troisième projet SALTO sur les pathologies ostéo-articulaires. »
De nombreux partenaires académiques pour une technologie de rupture
Le projet européen initié en 2016, ciblé sur l’évaluation de nouveaux produits de contraste, les développements méthodologiques sur la caractérisation spectrale et la reconstruction, a été, en outre, prolongé d’un an. Tous ces protocoles de recherche font intervenir la société Philips, qui était à l’origine du projet, ainsi que d’autres industriels. « Au niveau académique, de nombreuses institutions sont parties prenantes, parmi lesquelles, pour le consortium européen, l’Université de Lyon 1, l’École Normale Supérieure de Lyon, Créatis, ainsi que l’Institut polytechnique de Turin et KCL à Londres, qui développent des produits de contraste, conclut-il. L’évaluation médico-économique de cette nouvelle technologie est réalisée en collaboration avec l’université d’ERASME et des fabricants de matériels endovasculaires ou de coils s’intéressent également à nos travaux. Nos évaluations avancent bien et nous espérons pouvoir faire des annonces de mises en pratique cliniques au RSNA 2020. »
Le scanner spectral à comptage photonique, nous l’avons compris, est une technologie de rupture dans le domaine de la tomodensitométrie et ouvre un champ nouveau à ses applications cliniques. Pour en savoir plus sur les travaux du Pr Douek, rendez-vous sur le site web www.spcct.eu et le 7 février 2020 au Centre de congrès Prouvé de Nancy pour le IXème Symposium Scanner volumique (MDCT). Les inscriptions sont ouvertes.
Propos recueillis par Bruno Benque