Radiopédiatrie: une information assimilée pour un enfant plus coopérant
MARDI 09 MAI 2017
En amont du prochain Congrès de la Société Francophone d'Imagerie Pédiatrique et Prénatale (SFIPP), qui se tiendra les 22 et 23 septembre 2017 à Liège (Belgique), nous avons rencontré le Dr Bénédicte Minguet, Docteur en psychologie. Elle nous présente le projet qu'elle a mis en place et à propos duquel elle interviendra lors de cet événement, en faveur d'une meilleure appréhension de l'environnement radiologique des jeunes patients.

Thema Radiologie: Dr Minguet, pouvez-vous nous présenter votre activité ?
Dr Bénédicte Minguet: Je suis Docteur en Psychologie et travaille à la Clinique de l’Espérance CHC depuis 20 ans. Je suis Maître de conférences à l’Université de Liège, ce qui me permet de valider scientifiquement les différents projets que je mène dans les établissements de santé dans le cadre de la recherche. Au cours de mon cursus, j’ai pratiqué à Montréal où j’ai pu évaluer le mode de prise en charge des jeunes patients qui, à la différence du nôtre, s’appuie sur des « Child Lif specialists ». Cela m’a amené à initier, à mon retour, une spécialisation à l’Université de Louvain dans le cadre de la prise en charge de l’enfant et de son accueil par le jeu.
T.R.: Quelles sont les différences majeures de par et d’autre de l’Atlantique ?
Dr B.M.: Sur le continent américain, informer les enfants revient aux éducateurs spécialisés (Child Life). Ils accueillent, informent et accompagnement les soins, construisent des outils et des procédures d’information. Dans la culture francophone c’est une partie du travail des infirmières,
T.R.: Comment, donc, agissez-vous auprès des enfants pour les préparer au mieux à subir un acte diagnostic ou thérapeutique ?
Dr B.M.: Depuis plus de 20 ans, nous voyons plus de mille enfants par an dans le cadre d’une consultation pré-opératoire au cours de laquelle nous utilisons un dispositif, axé sur le jeu, leur permettant de comprendre ce qui leur arriver. Et, non seulement nous leur délivrons l‘information, mais nous évaluons également ce qu’ils en ont retenu et ce qu’ils en font. Depuis, j’ai réalisé avec L’Association Sparadrap, Paris, un film de formation sur ce thème et qui fait référence aujourd’hui. Il a été distribué dans tous les services de pédiatrie francophones.
T.R.: Quelles ont été les premières applications en imagerie ?
Dr B.M.: Nous avons commencé par les cystographies, examen des plus traumatisants pour les très jeunes enfants et pour leurs parents, les adolescents, etc. En pratique, nous leur donnons rendez-vous une demi-heure avant l’examen dans une salle dédiée à l’information. Nous mettons en scène l’examen sur un poupon devant l’enfant ou, s’il est trop petit pour comprendre, devant les parents, ce qui permet de rendre la procédure moins agressive. En effet, les parents sont dès lors intégrés dans la réalisation de l’examen et l’enfant s’approprie les informations reçues. Il en résulte, au final, une meilleure coopération du jeune patient et des conditions de travail, pour le MERM, améliorées, propices à la réalisation d’un examen de qualité.
T.R.: Vous avez créé récemment, pour accueillir les enfants avant les examens d’imagerie en coupe, un espace appelé ”Clinique en jeu”. De quoi s’agit-il ?
Dr T.R.: Il s’agit d’un projet pilote que je vais d’ailleurs présenter au prochain congrès de la SFIPP à Liège. Il s’agit d’une salle d’accueil dans laquelle nous convoquons l’enfant et ses parents une semaine avant l’examen. Tenant compte de l’âge du patient, nous utilisons trois modules de façon progressive pour une séance de 40 minutes : un playmobil, un mannequin à la taille de l’enfant, que l’on met dans une situation semblable à la pratique d’un scanner et un appareil d’imagerie en coupe de simulation où l’enfant peut s’installer pour se familiariser avec l’environnement et les conditions d’examen et en faire une expérience positive.
T.R.: Quelle est la population cible de ce projet ?
Dr B.M.: Nous avons ciblé, pour Clinique en jeu, les 4-8 ans principalement pour bien organiser le processus. Mais notre idée est d’informer toute la population pédiatrique, y compris les adolescents, qui sont souvent oubliés dans ces processus alors qu’ils ont eux aussi leurs angoisses. On est même allés jusqu’à expérimenter le système sur des adultes déficients mentalement, notamment des personnes trisomiques, et ça marche très bien. On pourrait également le mettre en œuvre chez certains adultes qui manifestent des comportements phobiques. Les MERM rapportent qu’une personne sur huit hésitent à entrer dans un tunnel d’IRM, et abandonnent l’examen.
T.R.: Quels sont les retours des MERM sur cette expérience maintenant que vous avez un peu de recul ?
Dr B.M.: L’ensemble des acteurs de la prise en charge est tout à fait réceptif et très enthousiaste devant les bons résultats que Clinique en jeu obtient pour la coopération des patients. Les MERM étaient auparavant angoissés eux-mêmes les jours de vacation pédiatrique à l’idée d’accueillir des enfants angoissés et de devoir forcer des conditions d’examen, l’anesthésie étant alors l’unique alternative. Ils se réjouissent aujourd’hui de travailler lors de ces vacations. Les conditions d’examens changent significativement et les images gagnent en qualité. Et pour nous, psychologues, cette expérience nous conforte dans notre position puisque la dimension psychologique de ce processus se donne à voir. Et ça, c’est assez rare dans notre métier…
Propose recueillis par Bruno Benque