PROMOUVOIR DES RCP POUR FAIRE EVOLUER LA CHIRURGIE VASCULAIRE
MARDI 26 MAI 2015
A l’occasion du Symposium Radiology and Endovascular Surgery (SRES) 2015, le Pr Jean-Michel Bartoli, Chef du Pôle Imagerie de l’AP-HM et co-organisateur du congrès avec le Pr Philippe Piquet, nous a accordé une interview où il a évoqué les objectifs de cet événement pluridisciplinaire, son action en faveur des jeunes praticiens et les critiques formulées par l'ASN sur les activités radiologiques intervetionnelles.

Thema Radiologie: Le SRES a la particularité de réunir des radiologues interventionnels et des chirurgiens vasculaires. Quelles sont les finalités de cet événement ?
Pr Jean-Michel Bartoli: Le but est de favoriser la mutualisation des activités entre ces deux spécialités, mais aussi d’accueillir et de faire intervenir des cardiologues, chirurgiens cardiaques et angiologues qui, même si ce n’est pas spécifiquement leur domaine, ont apprennent de nos pratiques et ont des choses à nous apporter.
"Au SRES, les praticiens juniors acquièrent de l’assurance"
T.R.: Vous faites la part belle, pour ce congrès, aux jeunes praticiens, notamment en leur permettant de réaliser des présentations. Est-ce une volonté délibérée ?
J-M.B.: C’est effectivement une volonté complète pour le Pr Philippe Piquet, qui est co-organisateur du SRES, et moi-même de favoriser depuis longtemps la participation des juniors. Nous avons tous, dans nos domaines, des responsabilités de formation des jeunes radiologues ou chirurgiens. J’ai par exemple créé il y a plus de 10 ans l’école de l’embolisation pour les juniors sélectionnés par leur chef de service. Ils sont aujourd’hui 25 par an pour cette formation théorique et pratique. En les suivant après leur formation, je me suis aperçu qu’ils créaient des liens entre eux et j’ai commencé à les inviter au SRES. On a choisi avec nos partenaires industriels de favoriser leur participation.
T.R.: Les thèmes abordés doivent donc être assez simples, j’imagine, pour les impliquer mieux ?
J_M.B.: Il arrive que nous traitions des cas complexes, mais c’est vrai que nous abordons des pratiques de la vie courante, des questions que nous nous posons tous les jours. Ils viennent pour écouter les anciens et s’imprégner de leur expérience, mais aussi pour présenter des cas concrets à leurs congénères. Ils acquièrent ainsi de l’assurance. Par exemple, ce matin, alors que des praticiens confirmés se succédaient au micro, les questions de la salle n’étaient posées que par des anciens. Cet après-midi, où c’étaient les juniors qui présentaient leurs cas cliniques, des commentaires ont commencé à provenir de jeunes praticiens. J’aime bien ce mélange anciens/juniors et la dynamique qu’il engendre.
"Nous œuvrons pour créer des RCP de radiologues interventionnels et chirurgiens vasculaires"
T.R.: Quelles sont les nouveautés cette année, matérielles ou pratiques ?
J-M.B.: L’intérêt de notre congrès est que, finalement, beaucoup de choses sont nouvelles, si l’on se place du côté radiologue ou du côté chirurgien. Nous avons tous des pratiques spécifiques, de part et d’autre, en termes d’organisation ou d’utilisation des matériels. Au SRES, nous œuvrons pour créer des ponts entre les spécialités, afin que les acteurs soient au fait de ce qui se passe de part et d’autre. Il s’agit également d’informer les industriels, qui sont eux-mêmes très cloisonnés, qui en chirurgie vasculaire, qui en chirurgie cardiaque, en neuroradiologie, en radiologie vasculaire, ou chirurgie cardiaque. Notre vision, avec Philippe Piquet, est que tout ce petit monde puisse travailler en collaboration au service du patient.
T.R.: Vous cherchez, en quelque sorte, à créer des Réunions de Collaboration Pluridisciplinaires (RCP) sur le modèle de ce qui se passe en oncologie ?
J-M.B.: C’est tout à fait ça. Nous promouvons une RCP radiochirurgicale, pompée sur les organisations de prise en charge du cancer. Par exemple, ce matin, un chirurgien parlait de traitements des anomalies et malformations cardiovasculaires, et un collègue radiologue a rebondi sur la même technique, qu’il a mise au point pour les dissections. C’est très intéressant, puisque lors d’une prise de parole, un radiologue interventionnel s'est positionné sur une technique qui semblait très chirurgicale. C’est ainsi que, brutalement, de nouveaux domaines s’ouvrent, avec des activités spécifiques et des pratiques nouvelles communes.
"Nous apportons nos compétences aux chirurgiens dans les salles multimodales"
T.R.: C’est ce que vous avez l’habitude de faire, chez vous à la Timone ?
J-M.: Effectivement, autant chaque spécialité garde ses prérogatives spécifiques, autant ce que nous savons faire à quatre mains et qui se justifie pour le patient est favorisé et récurrent. C’est le cas pour la pose de stents-graph aortiques ou pour les angioplasties carotidiennes. C’est notre façon de travailler et ça fait, je crois, évoluer nos spécialités dans le bon sens. Nos activités peuvent être concurrentielles ou communes selon les sites. Nous travaillons en collaboration quand c’est nécessaire avec Philippe Piquet, chacun faisant seul ce qu’il sait le mieux faire. Nous, radiologues, sommes spécialistes de l’acquisition, du traitement, ou de la fusion des images, ainsi que de la radioprotection, et même si des salles hybrides chirurgicales apparaissent - je préfère d’ailleurs les appeler salles multimodales -, elles nécessitent des compétences particulières. Nous possédons, depuis longtemps, ces compétences et les associons aux compétences chirurgicales.
T.R.: Vous citiez à l’instant la radioprotection, un sujet sur lequel l’interventionnel se fait quelque peu frapper par l’ASN ces derniers temps …
J-M.B.: …frapper est un peu excessif ! l’ASN est sur ce point très exigeante…
T.R.: …trop exigeante ?
J-M.B.: Non, je considère que tout ce qui va dans le sens d’une meilleure protection des acteurs et des patients même si cela coûte très cher, est à prendre en compte. Même si le risque peut paraître infinitésimal et parfois n’est même pas prouvé, je me dis que c’est nécessaire. On ne peut pas imaginer une salle de radiologie interventionnelle non équipée de dosimètrie opérationnelle, de bagues de dosimètrie, de paravents plombés, etc. Néanmoins, il faut bien comprendre que les réorganisations engendrées par les dispositions législatives successives sont quelquefois difficiles à mettre en place. Par contre, lorsqu’on fait des travaux de réaménagement, il est impossible de concevoir une absence de mise aux normes. Et globalement, il n’existe pas aujourd’hui de nouvelles installations chirurgicales ne comportant pas les équipements adéquats en terme de radioprotection, de dosimètrie, de circulation d’air ou d’éclairage entre autres.
"Les travaux de mise aux normes de radioprotection sont très lourds financièrement"
T.R.: Les problèmes de comportements déviants relevés dans les blocs opératoires par l’ASN sont tout de même culturels ?
J-M.B.: C’est de moins en moins culturel. Les jeunes chirurgiens sont désormais au fait de toutes les obligations liées à la radioprotection. D’ailleurs, le SRES participe significativement de cette évolution. Au travers de nos conférences, les praticiens autres que radiologues se rendent compte que les rayons ou les produits de contraste ne sont pas anodins, et, petit à petit, cela rentre dans les moeurs. Il n’empêche, pour revenir aux mises aux normes des installations, que cela nécessite un investissement très lourd. Il suffit parfois de 5cm de hauteur de plomb manquants pour que des coûts monstrueux doivent être mobilisés. Et ces sommes sont payées avec la T2A provenant de l’activité clinique, ce qui est très pénalisant pour notre spécialité.
T.R.: Pour conclure, parlons de l’avenir du SRES. Il se déroule depuis trois ans à Marseille. Y restera-t-il ?
J-M.B.: Rien n’est figé, et il est possible que le congrès migre un jour ou l’autre. Mais Marseille est une ville de CHU, ce qui colle à la réglementation sur les formations médicales, la ville est désormais bien desservie, plus accueillante et plus chic depuis quelques années. D’autre part, cet événement doit rester à taille humaine afin de favoriser les discussions et l’interactivité, et je ne le vois pas se dérouler dans un palais des congrès. Le seul petit inconvénient réside dans le fait que nous avons perdu des orateurs nord-américains de top mondial, avec lesquels on comparait les avancées techniques et organisationnelles, en cohérence avec, qui l’HAS, qui la FDA. C’était passionnant ! Pour finir, j’adorerais l’organiser chez moi en Corse, mais ce n’est pas possible, car il n’y a pas là-bas de ville de CHU…
Bruno Benque