Détruire les cellules cancéreuses par stimulation mécanique induite magnétiquement
LUNDI 26 MAI 2025
Dans notre série dédiée aux travaux des laboratoires de recherche, Bernard Dienyet Patricia Obeïd, de l’Institut de Recherche Interdisciplinaire de Grenoble (IRIG) nous parlent des particules magnétiques qu’ils disséminent dans les cellules cancéreuses pour les détruire. Des études in-vitro en 2D aux études en 3D sur organoïdes et tumoroïdes, ils expliquent comment il est possible d’effectuer une destruction sélective de cellules cancéreuses pancréatiques.

Nos travaux menés au CEA au sein de l’Institut de Recherche Interdisciplinaire de Grenoble (IRIG) établissent un pont entre le magnétisme, la mécano-biologie et des approches innovantes de traitement des cancers.
Des particules magnétiques disséminées dans les cellules cancéreuses
L’idée de base consiste à disperser des particules magnétiques parmi les cellules cancéreuses et à mettre ces particules en vibration à basse fréquence (entre 1 et 5Hz) grâce à un champ magnétique variable appliqué de l’extérieur. La vibration des particules au contact ou à proximité des cellules génère un stress mécanique à l’échelle cellulaire. Ce stress mécanique induit une grande variété de réactions physiologiques de la part des cellules, en fonction de leur nature et de l’intensité de la stimulation magnéto-mécanique.
Un dispositif qui détruit les cellules cancéreuses in-vitro
D’où le pont vers la mécanobiologie. Un avantage majeur de l’utilisation du magnétisme dans ce domaine est que le stress induit peut-être facilement ajusté à distance en jouant sur plusieurs paramètres tels que l’amplitude, la direction et la fréquence du champ magnétique externe. Nous avons démontré précédemment, in-vitro, sur des cellules cultivées en 2D en boites de Petri, que cet effet peut être utilisé pour détruire des cellules cancéreuses (cancer du rein, gliomes, mélanomes).
Des études in-vitro en 2D aux études en 3D sur organoïdes et tumoroïdes
Cependant, le micro-environnement cellulaire joue un rôle très important dans ces effets, car il influence à la fois le métabolisme cellulaire et le comportement mécanique des particules vibrantes, notamment à travers les propriétés viscoélastiques du milieu. Un modèle in-vitro particulièrement pertinent, qui prend en compte cette question du micro-environnement, est celui des sphéroïdes cellulaires, qui sont des assemblages tridimensionnels de cellules. Leurs propriétés reproduisent bien mieux la texture et l’organisation des tissus réels que les modèles in-vitro en 2D.
Destruction sélective de cellules cancéreuses pancréatiques
Nous avons mené des expériences sur des organoïdes et tumoroïdes de cellules pancréatiques, respectivement saines (H6c7) et cancéreuses (PANC-1). De façon remarquable, nous avons observé qu’après 24 heures d’incubation avec les particules magnétiques, les tumoroïdes avaient capturé toutes les particules qu’ils rencontraient. En revanche, les organoïdes étaient beaucoup moins actifs et repoussaient la majorité des particules (Fig. 1).
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Fig.1. : Tumoroïdes (en haut) et organoïdes (en bas) de cellules cancéreuses (PANCI) et saines (H6c7) du pancréas en présence de particules magnétiques pendant 24 heures. Les particules magnétiques apparaissent en noir. On observe qu’au bout de 24 heures, les cellules cancéreuses capturent des particules magnétiques environnantes, tandis que les cellules saines ne le font pas. |
Après cette phase d’incubation en présence des particules magnétiques, un champ magnétique rotatif d’amplitude comprise entre 0,25 et 0,8 Tesla est ensuite appliqué aux sphéroïdes pendant 30 minutes à l’aide d’un système d’aimants permanents tournants. Il s’agit de champs relativement faibles en comparaison des champs utilisés en IRM par exemple mais nous avons observé que dès 4h après la stimulation, une très grande proportion des cellules cancéreuses était en train de mourir, tandis que les cellules saines étaient encore bien vivantes (Fig. 2).
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Fig. 2. Évolution des cellules suite à la stimulation magnéto-mécanique (MMS). À l’aide de marqueurs fluorescents, nous avons pu identifier les cellules vivantes en vert (SYTO13) et les cellules mortes en rose (iodure de propidium). Les deux premières lignes correspondent aux cellules cancéreuses (1ère ligne) et aux cellules saines (2ème ligne) avant la stimulation magnéto-mécanique. |
Des résultats similaires ont été obtenus avec un champ de 2Hz pendant 30 minutes.
Cette réaction différenciée est remarquable et prometteuse pour le développement de nouvelles approches biomédicales contre le cancer, basées sur la stimulation magnéto-mécanique des cellules. Notons que cette approche de stimulation magnéto-mécanique pourrait être utilisée en conjonction avec une chimiothérapie, permettant, par la contraction des cellules stimulées mécaniquement, de diminuer les effets de résistance au traitement. Ces travaux ont fait l’objet d’un article de perspectives publié dans Physical Review Applied en 2025.
Bernard Dieny, Patricia Obeïd
Institut de Recherche Interdisciplinaire de Grenoble (IRIG)
bernard.dieny@cea.fr; patricia.obeid@cea.fr
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