Le chant du criquet qui attaque le cerveau
VENDREDI 23 AOûT 2019
Le "Syndrome du criquet de l'ambassade des USA à Cuba" semble avoir trouvé une explication scientifique. C'est ce que montre une étude utilisant l'IRM fonctionnelle parue dans le Journal of the American Medical Association.

C'est un syndrome peu banal qui a touché plusieurs diplomates de l'ambassade des États-Unis à La Havane en 2017. Ils ont été rapatriés, pris maux de tête, de nausées et d'autres affections après avoir entendu des bruits pénétrants chez eux et dans les hôtels voisins.
Une arme acoustique contre les diplomates de l'ambassade des USA à Cuba !
Il n'en fallait pas plus pour que les services de sécurité de l'administration Trump ne suspectent une attaque par arme acoustique. Ces bruits étranges avaient fait l'objet d'un enregistrement qui confirmaient la tonalité aigüe et persistante susceptible de provoquer une gêne significative pour qui y était soumis. Sauf que, en lieu et place d'une arme acoustique, les scientifiques ont attribué ce chant à un criquet, l'Anurogryllus celerinictus, originaire probablement de Jamaïque.
L'IRM fonctionnelle pour tenter d'expliquer ce syndrome
Ce syndrome a toutefois été étudié par un groupe de chercheurs conduits par le Dr Ragini Verma, du Department of Radiology de la Perelman School of Medicine, (University of Pennsylvania, Philadelphia). Cette étude en neuro-imagerie, publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA), se proposait de trouver des explications aux symptômes neurologiques qui se sont déclarés chez les diplomates à cette occasion. Les chercheurs ont ainsi comparé 40 membres de l'ambassade à 48 témoins sains par IRM fonctionnelle, mettant en lumière des différences significatives d’un groupe à l’autre concernant le volume de substance blanche ou l’intégrité microstructurale des réseaux auditifs et visuo-spatiaux notamment.
Des différences significatives entre les diplomates touchés et des témoins sains
Ils ont ainsi identifié, chez les diplomates de l'ambassade de La Havane, un volume moyen de la substance blanche totale du cerveau significativement plus faible que chez les témoins (patients: 542,22 cm3; témoins: 569,61 cm3; P <0,001), sans différence significative du volume de matière grise dans tout le cerveau. Ont été également découverts une diffusivité moyenne significativement plus basse dans le vermis inférieur du cervelet (patients: 7,71 × 10−4 mm2 / s; témoins: 8,98 × 10−4 mm2 / s; P <0,001), ainsi qu'une connectivité fonctionnelle moyenne significativement inférieure dans le sous-réseau auditif (patients: 0,45; contrôles: 0,61; différence -0,16; p = 0,003) et le sous-réseau visuospatial (patients: 0,30; contrôles: 0,40; p = 0,002) mais pas dans le sous-réseau de contrôle exécutif.
Bien que ces résultats soient assez parlants, les chercheurs ne souhaitent pas aller trop vite en besogne. Ils constatent en effet que l'importance clinique de ces différences est incertaine et pourrait nécessiter des études supplémentaires. Nous ne sommes donc pas encore aux prémices du développement d'une nouvelle arme acoustique…
Bruno Benque