L'échographie gratuite provoque la zizanie entre radiologues et ministère au Québec
MARDI 17 JANVIER 2017
Les rendez-vous d’échographie ne sont plus assurés dans les centres privés du Québec. Suite à l’instauration de la gratuité de cet examen par le Ministère, les radiologues libéraux ont décidé de ne pas recevoir les patients avant que les négociations sur le thème de sa tarification n’aboutissent.

Depuis le 29 décembre 2016, les échographies sont prises en charge intégralement par la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ).
Une mesure visant à augmenter l’accessibilité à la modalité d’échographie
Cette disposition, prise par Décret législatif, impose la gratuité de cet examen pour les patients, dans tous les centres publics et privés. Elle a été adoptée afin de réduire le temps d'attente pour accéder à l’échographie dans tout le Québec. Selon le Ministre de la Santé, Gaétan Barrette, cette mesure « vise à augmenter l'accessibilité à un service d'examen diagnostique important, et à augmenter ainsi la rapidité d'intervention auprès des patients ». Une estimation en fin d’année 2016 faisait état de 120 000 patients en attente pour cet examen.
Une médecine de fast-food, selon le Président de l’ARQ
Le problème est qu’aucune négociation n’a abouti entre le Ministère et les représentants des radiologues sur le mode de financement de cette mesure, le prix de l’examen, dans ce cadre, restant à fixer. Les uns tablent sur un coût compris entre 60 et 70$ par examen, tandis que les autres estiment qu’une fourchette entre 100 et 120$ est plus représentative de la valeur de cet acte d’imagerie. Le président de l'Association des radiologistes du Québec (ARQ), le Dr Vincent Oliva, a affirmé quant à lui que «les tarifs proposés sont à un niveau tellement non viable qu'il va falloir que les radiologues pédalent et fassent de la quantité». Il a qualifié cette situation comme favorisant une « médecine de fast-food ».
Un risque de voir les manipulateurs du public déserter l’hôpital
Les radiologues, outre l’aspect financier, craignent d’autre part que l’instauration de cette gratuité n’entraine un flux de patients au sein des structures privées qui n’y ont pas été préparées. Ils disent ne pas pouvoir assumer une charge de travail aussi importante, d’autant que les manipulateurs - les technologues comme on les appelle au Québec - sont moins nombreux que dans les autres provinces canadiennes à pratiquer l’échographie. Ils craignent également que cette mesure crée un appel d’air pour les technologues hospitaliers qui seraient tentés d’exercer en structure privée si celles-ci leur offraient des postes en échographie dans ce contexte.
Les rendez-vous d’échographie suspendus jusqu’à nouvel ordre
Aussi, pour éviter tout dysfonctionnement au sein de leur structure, et aussi pour faire pression sur le Ministère, de nombreux radiologues libéraux ont décidé de ne plus prendre de rendez-vous d’échographie jusqu’à nouvel ordre. Ils souhaitent notamment que cette évolution se fasse de manière concertée. Depuis le début de l’année 2017, les québécois ont donc beaucoup de mal à obtenir une place dans un centre d’imagerie ou une clinique, ce qui risque de créer un problème de continuité de leur prise en charge radiologique si rien ne change rapidement.
Un recours collectif en préparation contre les radiologues frondeurs
Le Conseil pour la protection des malades (CPM) est donc monté au créneau et a entamé des démarches pour intenter un recours collectif contre les radiologues qui refusent de recevoir les patients. Par la voix de son Président, Paul Brunet, il remarque que « l’incertitude financière des radiologistes ne constitue pas une raison suffisante pour refuser de réaliser un examen. » En attendant, de nombreux patients se déplacent dans la province voisine de l’Ontario pour avoir accès à l’échographie.
Bruno Benque