Recommandations pour le diagnostic des hémorragies gastro-intestinales
MERCREDI 13 MARS 2024
Les sociétés savantes américaines qui traitent de l’imagerie gastro-intestinale viennent de publier, dans la Revue Radiology, un document de consensus concernant le diagnostic et le traitement des hémorragies dans cette région anatomique. Différentes techniques sont recommandées selon les localisations du saignement.

La Revue Radiology publie une nouvelle déclaration de consensus intitulée : « Le rôle de l'imagerie pour les saignements gastro-intestinaux : recommandations consensuelles de l'American College of Gastroenterology et de la Society of Abdominal Radiology ».
Différentes techniques d’exploration selon la région anatomique
La déclaration de consensus passe en revue les examens radiologiques utilisés pour évaluer les hémorragies gastro-intestinales, compare les avantages et les limites des examens endoscopiques et propose des recommandations sur les paramètres techniques et l'utilisation des techniques radiologiques pour ces pathologies. En raison d'une large variation dans l'utilisation des examens gastro-intestinaux et d'un manque général de connaissance des avantages et des limites de chaque technique, les chercheurs se sont attachés à formuler un ensemble de recommandations consensuelles multidisciplinaires sur le rôle des examens radiologiques dans tout le spectre des hémorragies gastro-intestinales.
Concernant les hémorragies gastro-intestinales (GI), ils ont distingué les régions GI hautes (80% des hémorragies), les régions GI basses, définies comme un saignement distal par rapport à la valvule iléo-caecale et dans tout le côlon et l’intestin grêle, définies comme des hémorragies qui se produisent entre le ligament de Treitz et la valvule iléo-cæcale et représentent environ 5 à 10 % des hémorragies gastro-intestinales.
L’angioscanner et la scintigraphie pour les hémorragies gastro-intestinales hautes
Le document de consensus propose, pour les hémorragies GI hautes, des protocoles de tomodensitométrie (TDM) adaptés à l'indication spécifique, afin de déterminer l'emplacement et d'évaluer l'intensité du saignement, voire d'identifier la cause du saignement. Plusieurs méta-analyses ont montré que l’angioscanner est très sensible (85 à 90 %), spécifique (92 %) et précis (94 à 95 %) pour la détection et la localisation des saignements gastro-intestinaux manifestes (9,10). Mais il nécessite l'administration d'un produit de contraste et de doses de rayonnements ionisants souvent significatives, en raison des multiples phases d'acquisition de l'image. Cependant, les nouveles technologies de la TDM peuvent réduire la dose de rayonnement en réduisant le nombre de phases obtenues.
L’alternative, pour les hémorragies GI hautes, est la scintigraphie au technétium 99m (99mTc), qui permet une imagerie continue du tractus gastro-intestinal pendant plusieurs heures si nécessaire et ont remplacé le 99mTc-colloïde de soufre pour l’évaluation dans ce cas. La sensibilité et la spécificité des globules rouges au 99mTc seraient respectivement de 93 % et 95 %, avec une détection des saignements GI à un taux aussi faible 0,1 mL/min dans les études cliniques. À noter que la dose de rayonnement reçue par le patient est inférieure avec la scintigraphie au 99mTc par rapport à l’angioscanner. Toutefois, cette exploration ne peut être réalisée que sur des patients hémodynamiquement stables et nécessite des temps d’examens assez longs.
Des traitements par embolisation, mais attention à l’utilisation de la colle
Sur le champ thérapeutique, les hémorragies GI hautes se traitent le plus souvent par embolisation par angiographie s’ils ne sont pas des candidats appropriés à l'endoscopie. Le succès technique est annoncé supérieur à 95 %, mais jusqu'à 25 % des patients peuvent présenter ultérieurement des saignements récurrents. Cependant, l'embolisation par colle semble avoir un meilleur impact sur le taux de saignement récurrent que l'embolisation par coils. Les chercheurs voient en son caractère invasif des risques de complications, et mettent en garde contre les possibles ischémies intestinales lors d'une embolisation par colle.
Ce document présente également des recommandations relatives au diagnostic des hémorragies GI hautes non variqueuses.
L’entéroscanner, examen de choix pour les hémorragies du grêle
Pour diagnostiquer les épisodes hémorragiques qui surviennent au niveau de l’intestin grêle (IG), les protocoles d’entéroscanner sont recommandés pour optimiser l'évaluation de la paroi de l'intestin grêle. Les produits de contraste oraux neutres, avec des valeurs d'atténuation proches de celles de l'eau, sont privilégiés pour évaluer une suspicion d'hémorragie de l'intestin grêle. En effet, la plupart des anomalies pathologiques de l'intestin grêle qui provoquent des saignements gastro-intestinaux s'accentuent après l'administration d'un produit de contraste intraveineux et seront plus contrastées par rapport au produit de contraste entérique neutre hypointense.
La sensibilité et la spécificité de l’entéroscanner pour détecter les causes d'hémorragie intestinale suspectée rapportées dans la littérature sont assez hétérogènes, avec une sensibilité globale de 72,4 % (I2 = 80,8 % ; plage : 40 % –100 %) et une spécificité de 75,2 % (I2 = 77,7 % ; intervalle 45,5 %-100 %) selon une méta-analyse. L’une des limitations de cet examen est que, bien qu’il ne pose généralement pas de problème en cas d’hémorragie gastro-intestinale occulte, l’agent de contraste oral neutre utilisé dans peut théoriquement diluer l’extravasation du produit de contraste, la rendant plus difficile à identifier.
Bruno Benque avec RSNA