Occlusion artérielle chronique : le traitement endovasculaire passe parfois en sous-intimal
LUNDI 09 MAI 2022
Le ML-CTO Endovascular Course, congrès dédié au traitement endovasculaire des occlusions chroniques des artères périphériques, s’est tenu du 5 au 7 mai 2022 à Bruxelles. Nous avons rencontré l’un des deux instigateurs de cet événement, le Dr Giovanni Torsello (Franziskus Hospital, Münster, Allemagne), pour nous en dire plus sur ce congrès et sur les traitements qui y sont présentés.

Thema Radiologie : Le congrès ML-CTO Course existe depuis quelques années sur le volet cardiologique des occlusions artérielles. Pourquoi avoir initié une extension du concept vers les vaisseaux périphériques ?
Dr Giovanni Torsello : Notre environnement de travail fait l’objet d’une augmentation du nombre de dispositifs médicaux, de technologies et également de techniques médicales et le fait est que les praticiens ne peuvent pas, en pratique, identifier dans les livres l’essentiel de ces innovations. Dans ce cadre, il est important d’informer les praticiens de la communauté vasculaire sur les évolutions de leur discipline en organisant ce type d’événement. Nous avons choisi de traiter une situation pathologique unique, l’occlusion vasculaire chronique, qui est particulièrement demandée par les praticiens. Nous avons pris le parti de leur proposer des live cases, des conférences magistrales et des présentations enregistrées, qui sont délivrés par des experts, et des discussions. On fait en quelque sorte un focus sur les pratiques des opérateurs expérimentés et chacun peut les adapter à son niveau.
T.R. : Quel est le ratio de radiologues, chirurgiens vasculaires, voire cardiologues qui assistent à ce type de congrès ?
Dr G.T. : Nous avons en fait un bon mixage des spécialités entre radiologues, chirurgiens, cardiologue, mais aussi angiologues, une spécialité très développée dans les pays anglosaxons. Le fait que ces quatre spécialités soient représentées sur les mêmes procédures thérapeutique peut créer une certaine concurrence entre les groupes de praticiens. Mais cela dépend fortement des pays, des écoles, et même, parfois, cela dépend des philosophies des établissements de Santé. Car il existe souvent de larges coopérations, dans ce que l’on appelle en Allemagne des centres vasculaires où les cas cliniques sont discutés dans ce que l’on pourrait appeler des Réunions de Concertation Disciplinaire (RCP). Il arrive même qu’ils travaillent ensemble sur des procédures complexes.
T.R. : Le ML-CTO Course est une événement européen. Existe-t-il son équivalent en Amérique ou en Asie ? L’occlusion vasculaire est-elle une spécificité européenne ?
Dr G.T. : Je n’ai pas la connaissance d’un événement similaire dans ces contrées. Il faut dire que le traitement de l’occlusion vasculaire est une niche et fait appel à des techniques très spécifiques, notamment la création de chenal sous-intimal pour permettre au guide d’accéder à la partie aval de l’artère lorsque la plaque ou la thrombose est trop difficile à traverser.
T.R. : Justement, pour avoir assisté plusieurs fois au ML-CTO cardiaque, on a l’impression que ces techniques de passage sous-intimal sont utilisées plus souvent dans les coronaires que dans les artères périphériques. Est-ce vrai ?
Dr G.T. : Ce n’est pas toujours le cas. Mais je dois confesser que mes collègues et moi-même, lorsque l’on se trouve à traiter une très longue lésion périphérique, nous ne sommes pas toujours sûrs de faire transiter le guide le long de la lumière de l’artère. La recanalisation sous-intimale est donc, de fait souvent mise en œuvre dans nos pratiques. Certains de mes confrères ne passent d’ailleurs pas beaucoup de temps – une minute maximum - à essayer de faire passer le guide à travers la lésion et optent d’emblée pour un passage sous-intimal. Ce n’est pas mon cas, je préfère essayer plusieurs fois de franchir l’obstacle avant de passer à cette autre technique.
T.R. : Dans les live cases que nous avons vus jusqu’à présent lors de ce ML-CTO endovascular, les praticiens semblent passer en sub-intimal de manière moins fine que leurs confrères qui traitent les occlussions coronaires. La technique est-elle différente ?
Dr G.T. : Pas du tout, c’est juste que les coronaires ont la plupart du temps des diamètres plus étroits et des parcours plus sinueux. C’est également dû au fait qu’une dissection ou autre blessure de la coronaire peut avoir des conséquences beaucoup plus graves qu’en périphérique. Mais je dois dire que l’occlusion vasculaire chronique, en région cardiaque ou périphérique, est une pathologie qui fait beaucoup de dégâts. Et depuis quelques années d’ailleurs, l’on se trouve de plus en plus souvent en présence d’occlusions aigües qui surviennent chez des patients anti-coagulés qui oublient leurs médicaments ou chez des d’autres qui voient migrer une plaque d’athérome qui devient alors embolisante. Notre spécialité a malheureusement de beaux jours devant elle.
Propos recueillis par Bruno Benque