Pr Hélène Kovacsik : une radiologue profondément humaniste
LUNDI 20 SEPTEMBRE 2021
La Présidente des JFR 2021 sera le Pr Hélène Kovacsik, spécialisate de radiologie interventionnelle (RI). Elle nous accordé une longue interview où elle aborde la RI, qui sera très représentée lors de cet événement, de manière passionnée. Mais cette humaniste est très sensible aux problèmes d'écoresponsabilité et d'équité d'accès aux soins, notamment pour faire bénéficier aux plus grand nombre des possibilités de la RI. Il n'est dès lors pas étonnant de retrouver ces thèmes au programme des JFR 2021...

Thema Radiologie : Quelles sont vos activités professionnelles principales et quels sont, aujourd’hui, vos engagements en faveur de la profession de radiologue ?
Pr Hélène Kovacsik : J’exerce en tant que radiologue interventionnel au CHU de Montpellier et je suis Professeur de radiologie depuis 2006. Je me suis spécialisée dans la Radiologie Interventionnelle (RI), plus particulièrement dans les pathologies pelviennes, feminines comme masculines, ainsi que sur les malformations vasculaires. Je suis également investie dans la vie professionnelle, j’ai été présidente de la Société Française d’Imagerie Cardiaque et Vasculaire, pour laquelle j’ai contribué à l’élaboration d’un recueil de recommandations pour la qualité des pratiques de la RI , et je suis aujourd’hui Présidente de la Fédération de Radiologie Interventionnelle (FRI-SFR). Cette sur-spécialité a une vocation transversale, si bien que nous avons des relations avec toutes les sociétés d’organes, mais nous sommes actifs également sur des thématiques comme l’hygiène, la radioprotection et entrons en interface avec la société européenne (CIRSE) et les sociétés de gynécologie ou d’urologie notamment.
T.R. : Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir cette voie, parmi d’autres activités radiologiques ?
Pr H.K. : Lors de mon internat, j’ai eu l’occasion de travailler dans un service de neuroradiologie à Lyon, où apparaissaient les premiers traitements endovasculaires des anévrismes et j’ai trouvé cela extraordinaire ! J’ai ensuite pu exercer en RI au CHU de Montpellier, à une époque où tout était à inventer dans cette discipline. Je me suis passionnée, comme d’autres confrères avec qui j’échangeais souvent, pour les innovations auxquelles nous pouvions participer et j'ai continué depuis.
"Nécessaire d'augmenter le taux d'internes suivant le cursus de RIA"
T.R. : Quel est votre ressenti sur la réforme du troisième cycle de formation des radiologues, en particulier sur les deux ans supplémentaires en RI Avancée (RIA) ?
Pr H.K. : Je trouve qu’il s’agit d’une très bonne décision car la RI prend une ampleur énorme. Cette année optionnelle concerne 40% des internes en radiologie, ce qui est déjà bien, mais il faudrait je crois augmenter ce taux, même s’il est possible à tous les radiologues de faire une ponction radioguidée ou autre geste de RI simple. Il est primordial d’augmenter aujourd’hui les quotas de radiologues. La population vieillit, les demandes explosent et l’IA ou la téléradiologie ne règleront pas les problèmes d’accès à une radiologie de qualité.
T.R. : On ne peut pas parler de qualité des pratiques en RI sans évoquer la radioprotection. Quels sont les progrès à faire dans ce domaine ?
Pr H.K. : Cette question est très importante pour nous et doit être traitée tout d’abord par le risque patient. Il est important de connaître les risques et c’est pourquoi les NRD vasculaires se mettent en place. Nous travaillons avec l’ASN pour obtenir des outils d’évaluation efficaces et mieux suivre les doses reçues par les patients tout au long de leur vie dans leur dossier médical. Il est ensuite essentiel de continuer à développer des pratiques favorisant l’ALARA, comme les fusions d’images, l’imagerie de projection ou les bilans pré-thérapeutiques pour minimiser encore les doses cumulées.
"De nombreux gaspillages dans les packs de matériel de RI, des ordinateurs allumés pour rien dans les services..."
T.R. : Vous serez dans quelques jours la Présidente des Journées Francophones de Radiologie (JFR) 2021. Comment aborde-t-on un tel événement dans cette position ?
Pr H.K. : Cette présidence m’a déjà été proposée il y a deux ans, mais j’avais besoin de prendre le temps de la réflexion pour l’accepter. C’est d’ailleurs une chance pour moi car j’aurais été incapable d’organiser un congrès uniquement numérique comme celui de l’année dernière, pour lequel Alain Luciani a été très pertinent dans cette innovation. Le confinement m’a permis de réfléchir sur l’orientation que je voulais donner aux JFR. Et en regardant l’engagement de mes enfants, comme leurs congénères, dans leur volonté de changer les modes de vie pour plus d’écoresponsabilité et en m’apercevant du gaspillage que nous générons par exemple à l’hôpital, ce thème s’est imposé à moi.
T.R. : Quels sont les premiers gestes à réaliser, selon vous, pour adopter une attitude plus écologique ?
Pr H.K. : En RI, les packs stériles sont tous les mêmes et il n’est pas rare de jeter des cupules ou des compresses inutilisées. Souvent, lorsque l’on quitte le service le soir, on laisse les ordinateurs allumés pour rien. À Montpellier, nous travaillons sur ces problématiques et sur le tri des déchets, avec l’écoute de l’administration qui y voit également un retour sur investissement car les déchets coûtent cher selon leurs caractéristiques. DE nouvelles pratiques solidaires se font jours désormais et tout le monde est impliqué et porteur d’idées à son niveau. Les pharmaciens et UniHA par exemple sont également impliqués dans ce processus.
Nous pouvons faire beaucoup à plusieurs niveaux, comme, par exemple, dans la consommation de produit de contraste, l’utilisation de l’hélium – une substance en voie d’extinction – pour l’IRM, ou l’utilisation de la 5G pour des activités qui n’en ont pas besoin. Sans compter le matériel lourd de radiologie venant de Chine alors que les systèmes européens sont tout aussi efficaces. Nous élaborerons d’ailleurs un livre blanc sur ce thème après les JFR.
"Mieux informer les généralistes sur les possibilités de la RI pour leurs patients"
T.R. : Vous étendez la radiologie écoresponsable également sur le champ de l’équité. Qu’entendez-vous par là ?
Pr H.K. : Il s’agit tout d’abord de l’équité d’accès aux soins radiologiques. La grande Conférence du vendredi matin aux JFR 2021 y sera consacrée, avec des focus sur la répartition des ressources et des inégalités territoriales, la structuration de la spécialité dans les établissements, une meilleure information. Notre CNP, le G4, travaille en régions sur des solutions adaptées aux besoins territoriaux pour développer les délégations de tâches et améliorer l’accès aux soins radiologiques. Par exemple, nous favorisons ces délégations pour l’écho-doppler à Montpellier.
Le second aspect de l’équité concerne plus particulièrement la RI, qui peut permettre à tous les patients, même s’ils sont inopérables, d’être traités. C’est ainsi que, par exemple, il serait possibl de réaliser des poses de picc-line à domicile ou de faire de la RI en mode dégradé dans des endroits où les matériels spécialisés sont inaccessibles. Mais c’est aussi agir sur l’information du patient car souvent, les médecins généralistes ne savent pas où envoyer leurs patients pour leur faire bénéficier de la RI. À cet égard, nous avons mis en place un registre de géolocalisation sur notre plateforme « Patient & Radiologie » pour chaque traitement afin de mieux informer les patients.
T.R. : Pour finir, quels enseignements tirez-vous de la pandémie dans le cadre de votre exercice professionnel ?
Pr H.K. : La pandémie a changé beaucoup les mentalités, les modes d’activité, avec la restriction des déplacements, et a engendré de la flexibilité. On a pu vérifier le travail phénoménal qui a été réalisé dans le services et expérimenter de nouvelles organisations qui bénéficieront à tous.
Propos recueillis par Bruno Benque